Benjamin Compaoré a été condamné pour violences conjugales. Le triple sauteur reçoit une sanction de 6 mois de prison avec sursis, qui ne sera pas inscrite à son casier judiciaire. Son travail d’entraîneur à l’INSEP ne sera donc pas impacté.
Fin mars, la plainte de sa compagne contre Benjamin Compaoré avait reçu un sérieux écho. Bien sûr de par son statut d’athlète de haut niveau, plusieurs fois membre de l’équipe de France. Mais aussi en raison du contexte du confinement, qui avait débuté mi-mars. Et déjà 15 jours plus tard, la crainte des associations spécialistes des violences conjugales se révélait criante de vérité avec une explosion des cas enregistrés de 36% en Ile de France.
L’affaire Compaoré émerge au grand jour quelques jours seulement après que le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner, ait annoncé ces chiffres alarmants et la création de relais dans les pharmacies pour que les femmes victimes puissent se signaler directement.
Elle semble illustrer la crainte que l’enfermement en huis clos de couples se révèle propice à des actes de violences, surtout si de tels gestes existent déjà au préalable. Et justement la compagne de Benjamin Compaoré faisait état de problèmes remontant à plusieurs mois en arrière, depuis août 2019, avec l’accusation d’avoir été violentée à plusieurs reprises par le triple sauteur, selon les informations de France Info.
Celui-ci se voit alors placé sous contrôle judiciaire, interdit de s’approcher de sa compagne et convoqué au tribunal de Créteil pour fin juin, pour le motif de « violences habituelles sur conjoint ou concubin ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 8 jours ». Avec le risque d’une peine maximum de 3 ans de prison et 45000 euros d’amende.
Le couple apparaît réconcilié
Mais en cette fin novembre 2020, le tribunal de Créteil s’est révélé très clément à l’égard de Benjamin Compaoré. D’abord en requalifiant les faits, pour supprimer la notion d’habituelles, qui est un facteur aggravant. Et en prononçant une peine de 6 mois de prison avec sursis.
Un revirement motivé par la défense de Benjamin Compaoré, qui a accepté d’assumer ses responsabilités, tout en invoquant les « crises d’angoisse de sa compagne, des violences commises des deux côtés ». Sa compagne, Barbara, a abondé en ce sens, en admettant avoir aussi parfois été, elle aussi, violente à son encontre. Et en affirmant avoir « porté plainte pour stopper le processus dans lequel on était enfermés tous les deux », comme l’explique le Parisien.
Les mois passants, les choses apparaissent s’être bien calmées dans le couple, qui a repris la vie commune depuis peu, et la jeune femme ne s’est finalement pas portée partie civile.
Pas de casier judiciaire
Cette affaire sordide s’achève ainsi sur cette peine réduite, et qui ne figurera pas sur le bulletin 2 du casier judiciaire de Benjamin Compaoré. Une décision prise par le Tribunal de Créteil, comme cela peut être décidé pour toute décision de justice, à l’exception de faits très graves, comme meurtre ou viol ou agression sexuelle.
Ce sera donc sans impact donc sur sa fonction d’entraîneur à l’INSEP. Un lieu où il avait été associé début juillet à un autre problème de violence, avec cette information sur une bagarre survenue entre lui et Teddy Tamgho.
Toutefois cet épisode n’avait pas été appréhendé de la sorte par la FFA, et Patrice Gergès m’avait expliqué au mois d’août son point de vue : « Attention, il n’y a pas eu de bagarre. Ce mot me gêne au plus haut point car certains parlent de bagarre. Ce sont certainement des personnes qui n’étaient pas présentes. »
Une altercation, pas une bagarre
Pour le DTN, le qualificatif à utiliser était celui d’une «altercation ». Et de souligner : « Comme j’en ai connu dans le passé avec Urtebise et Pépin, ou avec Piasanta, ou avec Gajer. J’en ai vu plein à l’INSEP depuis 1984 des altercations entre entraîneurs. Ce sont des histoires d’adultes. Dans le boulot, cela arrive très souvent que les gens aient des altercations. »
Et après avoir entendu les deux entraîneurs et plusieurs témoins, l’affaire apparaissait si bégnine à Patrice Gerges, qu’il avait estimé que « cette situation ne mérite pas un conseil de discipline ». Il avait alors reçu les deux entraîneurs pour un rappel à l’ordre : « Je leur ai dit que ce n’est pas adapté de faire ça sur un stade devant les athlètes. C’est inadapté, et ils en ont parlé avec leurs athlètes. ».
L’affaire avait eu d’autant plus d’écho que Teddy Tamgho avait été relié à plusieurs reprises à des affaires de violences, en 2008, à l’INSEP, d’où il avait exclu et orienté vers le CREPS de Boulouris. Là, fin 2011, une agression sur une athlète s’était soldée par trois plaintes pour violence, se concluant sur une amende de 5000 euros, avec par ricochet, une suspension sportive de 6 mois fermes et 6 mois avec sursis, lui permettant d’être de retour juste à temps pour tenter de se qualifier pour les JO de Londres.
Par contre sur d’autres épisodes, comme celui de Boulouris, avec une bagarre avec un entraîneur, qui avait provoqué son départ vers Reims, aucune sanction disciplinaire n’avait été prise par la FFA, car comme expliqué par Patrice Gerges : « Aucune suite judiciaire n’avait été donnée. Et ces faits avaient été commis hors du cadre strictement sportif, dans une soirée ».
Des prestataires techniques avec cartes professionnelles et sans casier
Pour Benjamin Compaoré, comme pour Teddy Tamgho, une condamnation avec inscription au casier judiciaire aurait impacté leur carrière d’entraîneur. Tous les deux l’exercent en qualité de prestataires techniques pour la FFA, un statut créé pour palier à la diminution des cadres techniques mis à disposition par le Ministère des Sports. Comme le soulignait Patrice Gerges, le nombre est passé de 106 en 2009 à 85. Walter Ciofani, le premier à bénéficier de ce statut, avait été rejoint ensuite par les deux triple sauteurs, puis Adrien Taouji, pour le demi-fond, également à l’INSEP.
Une fonction exigeant de disposer d’une carte professionnelle, garantie demandée par l’Etat en termes de diplôme, et de casier judiciaire. Les nouvelles dispositions imposées par le Ministère des Sports imposent désormais le contrôle de l’honorabilité de tout entraîneur, professionnel ou bénévole. Et un casier judiciaire vierge s’impose alors.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.