Un an après son contrôle positif à l’EPO, Ophélie Claude-Boxberger demeure dans l’attente d’une décision de l’Agence Française Anti-Dopage, comme des suites de l’enquête judiciaire en cours à l’OCLAESP. La jeune femme crie son désespoir et s’insurge contre de si longs délais. Mais surtout, la rétractation de ses aveux d’Alain Flaccus fragilise sa défense.
Avec le revirement d’Alain Flaccus, la ligne de défense d’Ophélie Claude-Boxberger a explosé en plein vol. L’été est passé depuis cette fin juin, où à quelques jours de son passage devant le Tribunal Correctionnel, pour y répondre d’une plainte pour empoisonnement formulée par l’athlète, Alain Flaccus a annoncé par la voix de son avocat, Maître Euvrard, qu’il récusait les aveux effectués fin novembre 2019 durant sa garde à vue, et renouvelés fin janvier lors de son audition devant l’AFLD.
Un bouleversement inattendu pour Ophélie Claude-Boxberger et son avocat, Maître Lauzon, et à l’impact énorme sur la décision de sanction à prendre par l’AFLD, sans oublier bien sûr les conséquences sur le plan judiciaire.
Pourquoi Alain Flaccus ne s’exprime-t-il pas ?
En cette mi-octobre, l’irritation est perceptible chez Maître Clauzon, l’avocat marseillais de la jeune femme, qui s’insurge à ma question sur cette nouvelle situation qui fragilise la défense de sa cliente : « Aucun élément ne pourrait expliquer une nouvelle version. Ce qu’il faut demander à M. Flaccus est pourquoi il ne s’exprime pas dans la presse, pourquoi personne n’a d’élément sur cette prétendue deuxième version. Il n’a eu besoin de personne pour s’exprimer dans la presse pour dire ce qui s’était passé. Maintenant qu’il prétend le contraire, plus personne ne s’exprime. Ce n’est que son conseil qui dit que son client lui a dit que. Je trouve ça très étonnant. »
Et de soutenir également que la nouvelle audition d’Alain Flaccus ne lui a pas été communiquée, et n’aurait pas dû être menée par l’AFLD, mais par la commission des sanctions, chargée de statuer sur une suspension de l’athlète.
Alain Flaccus n’avoue plus, mais ne sait rien
Toutefois, cette posture de mise en doute ne pourra résister très longtemps. Alain Flaccus a bien été à nouveau auditionné par l’AFLD, le mercredi 30 septembre, et selon nos informations, il a effectivement renoncé à ses aveux. Et affirmé également qu’il n’avait aucune idée de ce qui avait pu réellement se passer pour que le contrôle d’Ophélie Claude-Boxberger soit détecté positif à l’EPO.
Avec en filigrane, une question lancinante : la fabrication de cet alibi en faveur de l’athlète a-t-elle été faite à sa seule initiative ou est-elle plutôt le résultat d’une concertation collective, d’Ophélie Claude Boxberger, de sa mère et de lui-même ? Même si des éléments troublants sont apparus durant les enquêtes, la réponse demeure pour le moment incertaine, et il faudra certainement attendre les résultats de l’information judiciaire menée par l’OCLAESP, sous la houlette du juge d’instruction du Tribunal de Paris.
Une chose est sûre, l’entourage d’Alain Flaccus a accueilli avec soulagement sa renonciation à ce rôle d’alibi. Sa fille, Emmanuelle Flaccus, ne souhaite pas s’exprimer sur son rôle exact, mais souligne : «J’ai moi aussi souffert de cette situation. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je suis soulagée qu’il ait enfin dit la vérité et je regrette qu’il ne l’ait pas fait avant, et maintenant, on laisse la justice faire son travail. »
Alain Flaccus veut sauver la mise d’Ophélie ?
D’autres proches, qui demandent à demeurer anonymes, soulignent combien l’idée qu’il ait pu adopter ce rôle « pour lui sauver la mise » leur apparaît très possible. Ceci dans la lignée d’une relation Flaccus-Ophélie plus que singulière.
Celle d’un homme s’occupant d’elle sur le stade comme sa propre fille, comme l’affirme une ancienne athlète également entraînée à l’époque par Alain Flaccus ? Ou plutôt d’un homme dévoué à l’extrême à Ophélie, l’épaulant financièrement et matériellement, jusqu’à une date récente, mais également pris de « béguin » pour cette jolie fille, comme le soutient une autre membre du club, très proche de lui et connaissant également Ophélie depuis l’adolescence ? Ou encore d’un homme abusant d’elle sexuellement, comme l’a décrit Ophélie ?
Une relation malsaine depuis près de 15 ans
La jeune femme est plus que jamais déterminée à faire valoir les souffrances dont elle accuse son ancien entraîneur. Fin août, elle m’a ainsi transmis, ainsi qu’à d’autres journalistes, le mail qu’Alain Flaccus lui avait adressé début 2007. Sa lecture ne peut que choquer, avec ces propos où Alain Flaccus, également compagnon de sa mère, y évoque son amour pour elle, ses massages aux allures de caresses, et aussi sa jalousie envers son ami de l’époque. Alain Flaccus affiche alors près de 60 ans et Ophélie 20 ans.
Ce mail avait à l’époque été adressé à la FFA, et Alain Flaccus avait reçu une suspension disciplinaire de 6 mois, il aurait admis auprès de membres du club un comportement inapproprié. Une plainte aurait aussi alors été déposée par Ophélie, en 2007 ou en 2009, (les dates divergent) à laquelle elle affirme avoir renoncé pour protéger sa mère qui aurait pu être mise en cause. Elle soutient qu’elle y dénonçait des gestes indélicats, des mises en scène scabreuses, le partage imposé d’une chambre d’hôtel lors d’un championnat de France à Dreux, en 2006. Jean-François Mignot, le président du club Belfort Montbéliard, qui avait qualifié publiquement Alain Flaccus de « violeur », aurait aussi effectué un signalement auprès du Procureur, mais l’affaire aurait été classée sans suite.
Depuis quelques mois, Ophélie s’est décidée à reprendre cette action, et collabore avec Maître Lobier Turpin, une avocate de Nîmes, à la compétence reconnue dans le domaine des agressions sexuelles, avec à son actif plusieurs procès majeurs, comme celui de l’enlèvement de la jeune Chloé, ou de l’assassinat d’une enfant de 8 ans, dans le Gard. Cependant, plusieurs mois après cette prise de contact, durant la période du confinement, la plainte n’a pu être déposée. En raison de problématiques d’emploi du temps, m’explique Ophélie Claude Boxberger à la fin septembre : « Je devais porter la plainte ce mois-ci. Mais mon avocate avait des assises tout le mois de septembre. Ce sera fait en octobre. Je travaille dans un lycée à Belfort. Et il n’a pas été possible de trouver une date. » A parution de cet article le jeudi 15 octobre, Maître Lobier Turpin n’avait pas pas répondu pour me confirmer une date, et le motif exact de la plainte. Ce vendredi 16 octobre, l’avocate nîmoise me précise que la plainte sera déposée dans les tous prochains jours, à Nîmes ou à Montbéliard, et que le motif en sera « Viol sur mineure de moins de 15 ans ». Avec en circonstances aggravantes, le fait qu’Alain Flaccus était à la fois entraîneur d’Ophélie et compagnon de sa mère.
La preuve du dopage est faite par l’AFLD
Mais jalousie malsaine ou pas, complot ou pas, c’est bien Ophélie Claude-Boxberger qui sera contrainte à se défendre pour trouver des arguments propices à être pris en compte par la Commission des Sanctions, chargée de fixer les suspensions.
Or les règles anti-dopage mondiales sont très claires : la charge de la preuve incombe à l’agence anti-dopage. La détection d’EPO dans l’échantillon prélevé mi-septembre constitue une preuve irréfutable de dopage pour l’AFLD, avec de surcroît un échantillon B également positif. Comme dans toutes les affaires de contrôle positif à une substance interdite, la marge de manœuvre pour la défense devient très étroite, et les athlètes « innocentés » après la découverte d’EPO se comptent sur les doigts d’une main.
Les versions successives du témoignage d’Alain Flaccus peuvent-elles peser en faveur d’Ophélie Claude-Boxberger ? La commission des sanctions devra trancher. Elle devra aussi statuer sur l’idée que l’affaire OCB comporte en réalité deux infractions différentes, et successives. La première, le contrôle positif, en septembre. La deuxième, la falsification, qui interdit « de créer un obstacle, d’induire en erreur ou de se livrer à une conduite frauduleuse afin de modifier des résultats ou d’empêcher des procédures normales de suivre leur cours. ». Comme prévu par le règlement disciplinaire de l’AFLD, cette 2ème violation pourrait provoquer une suspension de 6 mois, de la moitié de la première suspension (2 ans pour 4 ans), ou du double de cette première suspension (8 ans si 4 ans). Sous réserve évidemment que l’équipe de l’AFLD puisse démontrer que la jeune femme a volontairement influencé Alain Flaccus.
Ca me bouffe de l’intérieur
Une double sanction que Maître Lauzon élude complètement, préférant évoquer des « fabulations sans aucun fondement juridique. » Ophélie Claude-Boxberger, elle, prend à témoin ses followers sur Instagram et Facebook pour clamer « Et pourquoi pas la peine de mort ? » La lenteur de l’instruction de cette affaire la dévore. Elle me confie : « Je suis dans l’attente pour tout. Ca me bouffe de l’intérieur. »
Pour oublier, elle s’évertue à poursuivre son entraînement, et à superviser son groupe d’athlètes. Dans des conditions dictées par le juriste de l’AFLD, me soutient-elle : « Antoine Marcelaud m’a dit que j’ai le droit de les conseiller, mais pas de les entraîner. Je n’ai pas le droit de leur prendre leurs chronos. Et moi, quand je m’entraîne, c’est en-dehors des créneaux du club. Je peux y aller, tant qu’il n’y a pas d’autres licenciés sur le stade. Je n’y suis pas aux horaires du club, pour respecter la suspension provisoire. »
Pourtant, plusieurs observateurs ont pu constater de visu que la réalité n’était pas tout à fait celle-ci. Selon plusieurs sources, Ophélie aurait même eu récemment une violente altercation sur la piste avec un entraîneur de longue date du club de Sochaux, et les tensions avec d’autres coachs du club se sont multipliées, alors que son club lui a renouvelé sa licence le 18 septembre 2020.
L’enquête judiciaire continue
Sans oublier aussi que l’enquête judiciaire non plus n’a pas livré tous ses secrets. L’avocat d’Ophélie Claude-Boxberger a reçu un refus de la part du magistrat de communiquer les pièces du dossier, compte tenu de la poursuite de l’instruction. Après l’AFLD, Alain Flaccus sera prochainement entendu par les gendarmes de l’OCLAESP, convaincus déjà depuis le printemps que les éléments factuels ne confirmaient pas ses aveux et remettaient en cause son rôle réel. Les diverses recherches menées, comme l’analyse des téléphones et ordinateurs d’Ophélie Claude Boxberger et Jean Michel Serra livreront-t-elles des informations susceptibles d’apporter un nouvel éclairage sur cette sombre affaire ?
Mais de toute façon, la commission des sanctions de l’AFLD statuera sans ces éléments collectés par les gendarmes de l’anti-dopage. Le magistrat n’a pas accepté de transmettre à l’Agence anti-dopage ces informations judiciaires. Les deux maisons continuent leur travail de manière bien distincte, même si au cœur de leurs enquêtes, le trio de choc demeure identique, Alain Flaccus, Jean-Michel Serra, et Ophélie Claude-Boxberger.
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : D.R.