Les explications apportées par Christian Coleman à la suite de son 3ème contrôle manqué en 11 mois n’ont pas convaincu le monde de l’athlétisme bien que le site américain LetsRun lui ait apporté soutien dans un premier temps. Mais le champion du monde a bel et bien bafoué les règles anti-dopage.
« Mais pourquoi le contrôleur ne m’a-t-il pas téléphoné ? » « Et pourquoi l’AIU lui a demandé de ne pas me téléphoner ? » Christian Coleman n’en démord pas, il n’est strictement pour rien dans ce contrôle raté du 9 décembre. Certes, il était bien absent de son domicile à l’heure indiquée dans sa localisation. Mais pour autant, ce gros loupé est la faute du préleveur et de l’AIU…
Cette explication plus qu’hasardeuse a pourtant convaincu Jonathan Gault, journaliste pour le site américain Lets Run, qui n’a pas hésité à afficher son soutien à Christian Coleman, en reprenant à son compte l’idée que le préleveur n’avait pas fait correctement le job, en ne contactant pas le sprinter au téléphone pour l’avertir qu’il l’attendait à son domicile.
Les règles imposent de ne pas avertir l’athlète
Grossière erreur que l’Athletics Integrity Unit n’a pas tardé à rectifier, avec un simple rappel que ce sont les règles anti-dopage fixées par le code mondial de l’AMA qui imposent de ne pas informer un athlète par téléphone, au risque de lui donner « la possibilité de falsification, d’évasion ou tout autre comportement inapproprié qui peut limiter l’efficacité du contrôle ».
Christian Coleman a beau jeu de répéter qu’il était simplement parti faire du shopping dans un centre commercial voisin, et qu’il a tous ses tickets de caisse pour le justifier. Les instances anti-dopage n’ont pas la même vision, car ils savent bien maintenant qu’un contrôle raté peut surtout servir à éviter un contrôle positif si la visite du préleveur intervient dans la période où l’athlète suit sa cure de produits dopants.
Victor Conte révèle la technique du canard et de l’esquive
Un expert en dopage avait dévoilé dès 2008 tous les avantages d’un contrôle évité. Victor Conte, le biologiste créateur dans les années 2000 du programme Balco de dopage des meilleurs sprinters mondiaux, Marion Jones en tête, avant de s’associer à la lutte anti- dopage, avait décortiqué la stratégie adoptée par les tricheurs pour se charger en toute impunité.
Dans un article paru sur la BBC, Victor Conte avait expliqué la technique dite du « duck and dodge » : le canard et l’esquive. Les athlètes font le canard en se chargeant avec les cocktails testostérone, hormone de croissance et autres dopants pendant 2 à 3 semaines. Et durant cette période, ils s’organisent pour éviter les contrôles, en fournissant de mauvaises informations sur leur localisation, en ne répondant pas au coup de sonnette du préleveur, ou en s’absentant à l’heure indiquée dans leur localisation.
Dans ses arguments, Christian Coleman soutient qu’habituellement les préleveurs prennent la peine de lui téléphoner pour l’informer de son contrôle. Une affirmation qui a fait sursauter les spécialistes de l’anti-dopage. Si l’info est exacte, les règles apparaissent bafouées puisque le principe même du contrôle est qu’une fois notifié, le sportif doit demeurer à portée de vue du préleveur. Et dire qu’on pensait qu’il n’y avait qu’au Kenya et en Russie que les préleveurs prenaient certaines largesses avec les règles…
Le cas Kris Gemmel, un précédent contre Christian Coleman
Christian Coleman n’est pas le premier à utiliser pour sa défense cette histoire d’un appel téléphonique non reçu. En 2014, Kris Gemmel, triathlète de Nouvelle Zélande, avait soutenu semblable théorie, mais le Tribunal Arbitral du Sport l’a réfutée, et au contraire, a affirmé que le principe même des contrôles est celui de ne pas informer à l’avance.
Et Christian Coleman a beau jeu de clamer : « Je n’ai jamais et je n’utiliserai jamais de produits pour améliorer les performances. Je suis d’accord pour subir un test anti-dopage chaque jour jusqu’à la fin de ma carrière pour prouver que je suis un athlète propre. ». Dommage qu’il n’ait pas adopté cette bonne résolution dès le mois de décembre 2019…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.