Morhad Amdouni a mis le cap sur le Kenya pour un stage d’entraînement, sans attendre l’accord définitif de la FFA, alors qu’un cadre plus rigoureux avait été fixé durant le rassemblement des meilleurs marathoniens fin janvier, par Olivier Gui, le DTN adjoint chargé du running. Mais celui-ci plaide pour un simple imbroglio administratif. Le stage est maintenant validé, et sous la responsabilité d’Abderazzak Zbairi, le nouvel entraîneur du marathonien.
Dimanche 9 février à Lisses. Arrivée de la demi-finale du France de cross pour la LIFA. Morhad Amdouni a complètement maîtrisé la course et l’emporte largement devant son coéquipier Soufiane Bouchikhi. A sa descente de podium, Jean-Claude Vollmer le questionne : « Alors, qu’as-tu décidé pour ton stage ? » Le visage de Morhad Amdouni se ferme, et le ton est peu amène pour répondre : « On attend la Fédération. La Fédération ne dit rien ! » Jean-Claude Vollmer lui rétorque alors : « Donne nous tes idées de lieux et nous pourrons valider… »
Deux jours plus tard, le mardi 11 février, Morhad Amdouni est en partance pour le Kenya. Pour un stage que la FFA n’a en réalité pas encore validé. Le marathonien a pris de vitesse l’équipe technique chargée du running, formée de Christelle Daunay, Lahcen Sahli, et Jean-Claude Vollmer.
Pour une simple raison administrative, invoque Olivier Gui, le DTN Adjoint en charge du running : « Nous étions dans l’attente d’un accord de l’Armée pour mettre à disposition Abderazzak Zbairi pour tous les stages de Morhad. C’est un sacré avantage ! Cet accord est arrivé par mail ce jeudi 13 février, et le départ de Zbairi est prévu pour ce lundi 17 à 12 heures. »
Ainsi le nouvel entraîneur de Morhad pourra-t-il rejoindre son athlète, et devenir garant de ce stage, comme l’exigent maintenant les nouvelles règles fédérales : « Il n’est pas possible qu’un cadre fédéral soit présent sur tous les stages. C’est donc l’entraîneur personnel de l’athlète qui est habilité par la FFA. Comme cela a été le cas pour Jimmy Gressier et Djilali Bedrani avec Sébastien Gamel. »
Morhad Amdouni prend de vitesse la FFA
Et c’est justement le cas Gressier-Bedrani que Morhad Amdouni a fait valoir pour obtenir l’accord de la FFA à un stage au Kenya, dans un pays où les cas de dopage pullulent, et où le business du dopage s’affirme comme une réalité. Mais où il est vrai aussi que les conditions d’entraînement exceptionnelles, avec des groupes nombreux et à forte densité, évoluant à haute altitude, ne peuvent qu’attirer les athlètes du monde entier…
C’est ce cadre rarissime que Morhad Amdouni a voulu retrouver, avec une impatience telle qu’il a pris le risque de quitter la France sans attendre le quitus définitif de la FFA, contrairement à ce qui lui avait été expliqué lors du rassemblement des meilleurs marathoniens, et futurs marathoniens, programmé fin janvier par Olivier Gui, le DTN Adjoint chargé du running, avec la nouvelle équipe technique, Avec l’ambition de faire le point sur le marathon français à six mois des JO, de créer un moment d’échanges entre les coureurs, et justement également de fixer un cadre plus strict, en particulier dans le domaine des stages.
Comme l’expliquait Olivier Gui à François Xavier de Chateaufort pour le site Lepape Infos : « nous avions besoin de leur parler, de leur expliquer un nouveau type de fonctionnement, qu’on ne pouvait pas aller en stage n’importe où et n’importe comment. Nous voulons aider des athlètes comme Morhad Amdouni à s’organiser un peu mieux. »
Mais visiblement, Morhad Amdouni sait parfaitement s’organiser seul !! Et il peut aussi compter sur son club de Val d’Europe Athlétisme, toujours prompt à le soutenir, comme le confirme Benoît Lecomte, le directeur technique, qui répond à nos questions transmises à Fabio Timbrandy, le président du Club. La réponse est sans ambiguïté : « Nous sommes au courant qu’il est actuellement en stage au Kenya. Ce lieu a été choisi par la fédération car un cadre fédéral est déjà sur place ainsi que son nouveau coach, M. Zbairi Abderrazak, la fédération nous met systématiquement en copie. Concernant les stages antérieurs, nous avons toujours été au courant des endroits et des lieux où se trouvaient Mr Amdouni. Pour information, il nous a toujours donné ses lieux et durée de stage et a toujours été dans le moule imposé par le club… Il a toute notre confiance et soutien, et si le moindre doute subsistait, il y serait exclu. » Un seul petit hiatus dans cette réponse, aucun cadre fédéral n’est sur place, et Abderrazak Zbairi n’est arrivé qu’une semaine après son protégé…
Abderazzak Zbairi, l’homme de confiance de la FFA
Autant d’éléments qui dévoilent que la tendance de Morhad Amdouni à se comporter en électron libre ne s’est pas envolée… Bien ennuyeux pour la FFA après les problèmes rencontrés par le double champion d’Europe, mis en cause dans le reportage diffusé par la télévision allemande début octobre 2019, pour des faits de dopage, avec l’accusation qu’il aurait acheté des produits dopants à un intermédiaire.
D’autant plus que le choix de son lieu de stage n’est nullement anodin. Morhad Amdouni a opté pour le camp d’entraînement de Claude Guillaume. L’entraîneur français vit la moitié de l’année au Kenya, où il chapeaute l’entraînement de la béninoise Noelie Yarigo, et de plusieurs coureurs sur route kenyans, qu’il fait ensuite courir en France après les avoir licenciés au sein du club Running 41.
L’homme avait fait les gros titres après que l’un de ses protégés, Lazarus Too, ait remporté le marathon de Tours alors même qu’il était suspendu pour dopage par la Fédération du Kenya. Claude Guillaume avait alors plaidé sa bonne foi et l’ignorance de cette sanction. Mais il s’était avéré par la suite qu’il n’était visiblement pas très regardant sur ces aspects. Il ignorait ainsi que Joyce Kiplimo avait également été suspendue pour dopage pendant deux ans, avant d’évoluer en 2018 et 2019 sous le maillot Running 41, et d’accumuler les victoires dans les grandes classiques françaises. Une rumeur avait aussi visé au printemps 2019 une autre athlète, qui n’a plus été vue en France depuis cette date.
Toutefois cette proximité entre Morhad Amdouni et Claude Guillaume n’est pas un élément alarmant pour Olivier Gui, qui insiste sur le fait que l’entraîneur est sur le point de quitter le Kenya pour la France avec ses athlètes dans les jours qui viennent, et que les deux hommes ne se côtoieront donc pas vraiment…
L’homme de la situation sera donc Abderazzak Zbairi, choisi en janvier par Morhad Amdouni pour prendre la succession de Philippe Dupont, qui l’a quitté après la diffusion du sujet de la télévision allemande.
Olivier Gui ne dissimule pas les attentes qui pèsent sur ce militaire, entraîneur de l’équipe de France demi-fond militaire, coureur de bon niveau, pour apporter la garantie d’une vraie loyauté de la part d’un athlète scruté à la loupe dans tous ses errements. Mais pour le DTN adjoint, l’optimisme reste de mise pour les mois à venir jusqu’au marathon olympique de Sapporo. L’avenir nous en dira plus…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand