Mary Cain a livré une confession poignante sur les années traversées sous la houlette d’Alberto Salazar, au sein du Nike Oregon Projet. Cette athlète hyper douée dès ses 17 ans accuse l’entraîneur de l’avoir harcelée pour qu’elle perde du poids, au point de la rendre suicidaire. Ce nouveau pavé dans la mare pèsera lourd contre Alberto Salazar et Nike.
« J’étais la fille la plus rapide d’Amérique, jusqu’à ce que je rejoigne Nike ». Le titre du sujet paru dans le New York Times donne le ton. Mary Cain s’attaque directement à Nike et à Alberto Salazar, son entraîneur pendant les années passées au sein du Nike Oregon Project. Elle lève le voile sur les méthodes révoltantes utilisées par Alberto Salazar, pour la contraindre à perdre du poids. Et tout s’en mêle, les humiliations devant les autres athlètes, le conseil d’utiliser une pilule contraceptive et des diurétiques pour la faire maigrir plus vite, le tout provoquant une très longue aménorrhée et plusieurs fractures.
Alberto Salazar ne pouvait accepter de voir la toute fluette Mary, arrivée sous son giron en 2012, probablement avec un retard de puberté, s’être transformée deux ans plus tard en une jeune fille aux formes plus épanouies, moins favorables à la performance. Et pour obtenir l’amincissement exigé, l’entraîneur allait se transformer en bourreau.
Des records à 17 ans et plus rien ensuite
Avec ces kilos en trop, Mary Cain ne pouvait plus espérer atteindre l’excellence qui l’avait vue briller dès ses 17 ans, capable de courir le 800 mètres, en 1’59’’51, le 1500 mètres en 4’04’’62. Au printemps 2013, lors des Drake Relays à Des Moines, Alberto Salazar nous avait confiés : « C’est la fille la plus douée que j’ai jamais rencontrée. Son talent est énorme ». Le duo venait alors juste de débuter sa collaboration, Alberto Salazar avait pris son téléphone quelques mois plus tôt pour joindre les parents de Mary Cain, à New York, leur expliquer l’énorme potentiel de leur fille et son envie de l’entraîner. Les premiers mois s’étaient faits par des échanges à distance entre New York et l’Oregon.
A cette époque, le duo affiche une belle complicité, tous les deux enjoués et tous sourires. Mary Cain ne dissimule pas son goût immense pour la performance, une qualité qui ne peut que combler Alberto Salazar, qu’on sait déjà avide de réussite, sans mesurer encore jusqu’où il est capable d’aller pour l’atteindre. Début 2015, le coach projette les chronos les plus fous pour sa protégée, annonçant dans le New York Times, qu’elle courra sous les 3’55’’, et très certainement sous les 3’52’’… Mais les résultats de l’athlète plafonnent, et ses records sur 800 m et 1500 m resteront en fait ceux qu’elle a courus en 2013, à l’âge de 17 ans.
Les athlètes du Nike Oregon Project témoins indifférents
Mary Cain a accepté de livrer cette longue confession à Lindsay Crouse, de « Equal Play », pour dévoiler les affres traversées durant ces années dans l’Oregon, où elle avait intégré le NOP, en 2013, et jusqu’en 2016, aux côtés de Mo Farah, Galen Rupp, Mark Centrowitz, Shannon Rowbury … Tous témoins de ce harcèlement et tous hostiles à lui apporter la moindre aide. Et même lorsque son désespoir la pousse à s’auto-mutiler, personne ne s’émeut.
Les accusations de Mary Cain arrivent quelques semaines après que le coach américain ait été suspendu quatre ans pour incitation au dopage. Une sanction qui a su donner le courage à la jeune femme, elle n’a encore que 23 ans, de révéler l’envers d’un décor, que quelques éléments pouvaient laisser entrevoir, comme lorsqu’en janvier 2014, immédiatement après sa course victorieuse sur le mile en salle à Boston, Alberto Salazar la contraint à effectuer sur la piste d’Harvard, aux côtés de Jordan Hasay, une séance de 3 répétitions d’un mile, qu’elle boucle en 16’23’’, suivies d’un enchaînement 600-400-200 m. Le tout filmé par une équipe de FloTrack, qui laisse libre champ à Alberto Salazar pour justifier cet enchaînement compétition-entraînemnt, et ne s’intéresse pas beaucoup à l’opinion des deux jeunes athlètes soumises à un tel diktat.
Le choc ne pourra qu’être énorme aux Etats-Unis, où Mary Cain avait conquis les foules par ses débuts tonitruants, et faisait figure alors de « Golden Girl de l’Amérique ». Alberto Salazar a contesté les informations livrées par son ancienne protégée, et Nike n’a fourni aucune réponse face à ces accusations.
Texte : Odile Baudrier – Photos : D.R.