Musaeb Balla a été suspendu quatre ans par le TAS. L’ex-Soudanais devenu Qatari avait été trouvé avec une boîte d’EPO lors de la descente policière effectuée en juin 2016 près de Barcelone à l’hôtel utilisé par Jama Aden et son groupe d’entraînement. Encore un cas de dopage à l’actif de Jama Aden, qui sera jugé en Espagne en octobre, mais qui n’a toujours reçu, lui, aucune sanction officielle…
Laila Traby – Hamza Driouch – Belthem Desalegn – Musaeb Balla. La liste des athlètes entraînés par Jama Aden et trouvés coupables de dopage s’allonge encore avec le nom de Musaeb Balla.
C’est le Tribunal Arbitral du Sport qui a décidé d’une suspension de quatre ans contre l’ex-soudanais devenu Qatari. Et ceci suite à un recours déposé par l’IAAF. L’instance contestait la décision de la fédération du Qatar de ne pas suspendre Musaeb Balla, malgré des preuves évidentes de dopage.
Car l’athlète avait été trouvé avec une boîte d’EPO dans sa chambre, lors de la descente policière effectuée en juin 2016 à Sabadell près de Barcelone dans l’hôtel favori de Jama Aden et de son groupe d’entraînement. L’enquête menée par les Mossos, la police catalane, allait mettre en accusation l’entraîneur, devenu célèbre à travers les succès de sa protégée Genzebe Dibaba, et le kiné marocain du groupe, Ouarid Mounir.
Trois ans plus tard, Musaeb Balla apparaît comme le grand perdant de cette affaire. L’athlète, qui venait de décrocher quelques mois plus tôt une 5ème place sur 800 m au Mondial Indoor, s’est vu retirer son passeport par la justice espagnole, et est demeuré interdit de quitter l’Espagne depuis cette date… Sa carrière s’est achevée bien avant cette suspension de quatre ans. Paradoxalement, c’est à Doha qu’il a effectué sa dernière compétition, lors du meeting de mai 2016, dans un relais 4 fois 400 mètres, sous les couleurs du Qatar, devenu son pays d’adoption. Et le Qatar l’a soutenu jusqu’à le maintenir sur les listes des participants aux Jeux Olympiques de Rio, sans qu’il puisse y participer, puisque bloqué par l’Espagne.
Jama Aden, quatre ans de prison en Espagne ?? !!
Mais le principal acteur de cet épisode sulfureux espagnol n’a, pour le moment, reçu, lui, aucune sanction officielle. Certes Jama Aden apparaît avoir disparu du circuit depuis la fin août 2016, où il était réapparu au meeting de Lausanne. Mais des sources solides affirment qu’il serait toujours l’entraîneur en sous-main de Genzebe Dibaba et qu’il demeurerait toujours une référence pour l’athlétisme du Moyen-Orient, avec un réseau relationnel fort, chargé encore récemment de recruter de jeunes athlètes du Soudan et de Somalie pour le Qatar et le Bahrein. Car Jama Aden avait eu, lui, le privilège de voir le juge espagnol lui restituer son passeport quelques semaines après son interpellation, et juste à temps pour se rendre aux Jeux Olympiques de Rio. Toutefois, il n’avait finalement pas effectué le voyage jusqu’à Rio, très probablement à la demande de la Fédération d’Athlétisme du Qatar.
Mais sur un plan plus officiel, Jama Aden n’est coupable de rien. L’IAAF n’a pris aucune mesure à son encontre. Tout simplement car les règles ne le permettent pas… L’instance ne peut pas décider d’une suspension à titre conservatoire sur une personne pourtant suspectée de complicité dans le trafic de produits dopants. Paradoxalement, le cadre juridique n’est pas favorable à une mesure contre un entraîneur. Quand bien même il a conseillé quatre athlètes suspendus pour dopage…
L’analyse du Code Mondial Anti-Dopage révèle un sérieux manque à ce niveau-là. Avec l’absence prévue de sanction contre un coach (ou manager) suspecté d’avoir conseillé plusieurs athlètes positifs. Et il est seulement prévu la possibilité pour l’Athletics Integrity Unit d’ouvrir une enquête sur l’entraîneur à partir de deux cas positifs dans son groupe. C’est d’ailleurs le cas pour Jama Aden, sous surveillance depuis plusieurs années, ainsi que sa principale disciple, Genzebe Dibaba, qui ont tous les deux échappé à plusieurs opérations menées par l’IAAF, avec le soutien de l’Agence Anti-Dopage d’Espagne, et de l’AMA, comme en 2015, où la jeune athlète avait été contrôlée en transit vers Font Romeu, dans une voiture garnie de plusieurs médicaments border-line, mais non interdits.
Mais l’IAAF, qui s’est portée partie civile dans l’opération judiciaire menée en Espagne contre l’entraîneur, a pris le parti de patienter jusqu’à la fin du procès programmé pour la mi-octobre, pour donner priorité à cette action forte. Avec la volonté de prendre ensuite des sanctions contre l’entraîneur en s’appuyant sur les décisions espagnoles.
Le procureur espagnol avait révélé en juin 2018 au journal « EL Pais » qu’une demande de quatre ans et demi d’emprisonnement serait formulée contre Jama Aden, et le physiothérapeute, Ouarid Mounir, pour mise en danger de la santé de ses athlètes. Mais il est quasi-certain que l’entraîneur ne sera pas présent pour assister à son propre jugement. Une éventuelle condamnation ne serait en réalité que simplement virtuelle…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R. et Carlos Arribas