Le journaliste Thierry Vildary de France Télévisions, épaulé par des lanceurs d’alerte, a pu réunir divers éléments au Maroc, qui s’inscrivent en opposition aux déclarations de Clémence Calvin et Samir Dahmani pour se défendre de l’accusation de soustraction à un contrôle anti-dopage effectué par l’Agence Française Anti-dopage à Marrakech le 27 mars dernier. SPE 15 a eu le privilège de découvrir en avant-première les moments forts de ce sujet « Sur les traces de Clémence Calvin », qui sera diffusé dans Stade 2 ce dimanche 28 avril, et qui pourrait marquer un tournant dans cette affaire.
C’est un énorme pavé dans la mare que Thierry Vildary diffusera ce dimanche dans « Stade 2 ». Un travail acharné de plusieurs semaines du journaliste, épaulé par des lanceurs d’alerte très efficaces, apporte une toute autre lumière sur les déclarations bâties par Clémence Calvin et son compagnon Samir Dahmani, pour contrecarrer l’accusation de soustraction et d’entrave au contrôle anti-dopage de l’AFLD à Marrakech.
Le dossier constitué durant le voyage du journaliste et de son assistant à travers le Maroc, à Ifrane et Marrakech, contient des éléments explosifs qui laissent entendre que le couple Calvin-Dahmani avait parfaitement compris que les trois personnes se présentant devant eux représentaient bien l’Agence Française Anti-dopage et souhaitaient effectuer un prélèvement sur la jeune femme en préparation pour le Marathon de Paris. Et que c’est pour échapper à ce contrôle qu’elle avait fui.
Le témoignage du propriétaire de la salle de sports installée dans le Quartier sud de Marrakech s’avère décisif. Il a fallu beaucoup de patience à l’enquêteur de France Télévision pour que l’homme accepte de livrer, de manière anonyme (*), sa version des faits, qui confirme les premiers éléments dévoilés sur cette affaire le jeudi 4 avril. Il admet ainsi que les faits se sont bien déroulés dans sa salle, et explique : « Les étrangers sont arrivés. Ils voulaient voir la salle. Ils étaient en compagnie de la femme, l’athlète. Elle est rentrée avec eux. Ils sont descendus. J’ai baissé la tête. En la relevant, je les ai vus courir. Elle avait un enfant avec elle, elle l’a confié à l’autre personne. Dans la rue, l’autre personne s’est éclipsée avec l’enfant. Tout ce que j’ai vu, c’est qu’ils sont partis en courant. » Et d’ajouter une information très importante : « Il y a des personnes qui m’ont joint. Ils m’ont dit de ne rien dire et de dire que je n’ai rien vu. Il y avait un Marocain et un Français qui parlait Darija et portait des lunettes. »
Le témoignage colle avec celui des préleveurs AFLD
Ceci correspond au scénario des préleveurs AFLD, affirmant avoir pris contact avec la jeune femme dans la rue, qui leur avait alors demandé de rejoindre Samir Dahmani dans la salle de sports, où elle avait échangé quelques mots avec lui, avant de prendre brusquement la poudre d’escampette. Et Samir Dahmani avait été mis en cause (et suspendu) pour avoir bousculé les préleveurs, pour les empêcher de poursuivre sa compagne.
Cette version s’oppose ainsi complètement aux révélations faites par Clémence Calvin lors de sa conférence de presse du mercredi 10 avril, où elle avait affirmé que la prise de contact s’était effectuée dans la rue, puis qu’elle avait rejoint Samir Dahmani un peu plus loin dans cette même rue. Et qu’à ce moment-là, Damien Ressiot avait été violent à son encontre, provoquant la chute de son fils Zaccharie. Elle avait aussi constamment répété que les trois contrôleurs étaient ensuite partis à l’opposé du couple, lui-même à la recherche d’un taxi pour amener leur fils en consultation auprès d’un médecin. Sans jamais évoquer la salle de sports, sa fuite, et celle de son compagnon avec leur enfant.
Clémence Calvin inconnue à l’adresse indiquée sur sa localisation
D’autres témoignages troublants apparaissent, autour de la localisation de Clémence Calvin à Marrakech. Dans l’enregistrement obtenu par France Télévision, le propriétaire de l’immeuble de deux étages, au 698 d’une rue du même quartier Sud de Marrakech, censé héberger Clémence Calvin, affirme avec fermeté : « Je ne la connais pas. Je ne l’ai jamais vue, il n’y a que mes enfants à la maison. Je la poursuivrai devant la justice. Si une seule personne étrangère habitait chez moi, mes voisins le sauraient. J’ai 15 voisins. »
Il apparaît ainsi que l’adresse indiquée par la jeune femme dans le logiciel de l’anti-dopage « Adams » est complètement erronée. C’est ce qui a conduit au fameux « No Show » constaté le soir même par l’équipe de l’AFLD qui se présente à 20 heures, horaire indiqué par Clémence Calvin, et qui se voit contrainte d’interroger les habitants du quartier pour tenter de la localiser et la soumettre au contrôle.
Ces deux témoignages démontrent que la version des faits présentée par l’AFLD coïncide avec les déclarations de ces témoins extérieurs. Avec tout de même un élément perturbant, l’affirmation par le gérant de la salle de sports, que l’homme de l’AFLD s’est présenté comme « policier ». Ce que réfute avec force l’AFLD.
Des éléments en désaccord avec la défense bâtie par Clémence Calvin
L’ensemble des informations circulant depuis plusieurs semaines, s’ajoutant aux images et déclarations réalisées par Thierry Vildary s’inscrivent dans une dynamique opposée à celle dévoilée par Clémence Calvin, dans ses interviews dans les médias pour étayer sa stratégie de défense, celle d’une agression physique contre elle et son enfant, d’une usurpation d’identité de la part des contrôleurs de l’AFLD, qui se seraient présentés comme des « policiers », et plus généralement d’un complot orchestré contre elle.
Toutefois les faits collectés sur place au Maroc ne correspondent pas. Clémence Calvin apparaît ainsi grandement fragilisée dans sa défense, et son avocat Maître Péricard aura fort à faire pour que les paroles de sa cliente soient prises au sérieux. Surtout sa charge en règle contre Damien Ressiot, le Directeur des contrôles de l’AFLD, qu’elle accuse de violences, et dont elle va jusqu’à mettre en cause la structure psychique, clamant à tout va qu’il l’avait choisi comme « cible ».
Pourtant comment Damien Ressiot aurait-il pu l’ignorer alors même qu’elle multipliait les signaux d’une pratique qui pose questions ?? Comportement étrange avec multiplication des changements d’adresses pour ses localisations, utilisation d’adresses fictives. Les signaux étaient au rouge depuis un bon moment, et ne pouvaient être ignorés. Mais l’ingéniosité de l’athlète, de son compagnon, et d’un groupe de plusieurs proches lui ont permis d’échapper aux radars.
Au terme de ce mois d’avril rocambolesque, une partie du voile est levée sur cette affaire. Il demeure encore beaucoup de questions, sur les complicités dans cette affaire. Et se pose aussi une grande interrogation sur les personnes qui ont aidé le couple Calvin-Dahmani à choisir une défense aussi hasardeuse qu’une investigation journalistique poussée a mise à mal…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand
(*) Les témoignages sont diffusés sous anonymat pour protéger les personnes. Mais l’équipe de France Télévision a les enregistrements originaux, et divers éléments qui valident la fiabilité des informations. Règle de base pour un journaliste comme Thierry Vildary !
Le sujet du dimanche 28 avril 2019
La réaction de Clémence Calvin dans un communiqué de presse diffusé par Le Parisien