La polémique a enflé autour des records du monde du 5 km établis par Sifan Hassan et Julien Wanders ce dimanche 17 février à Monaco. Car des chronos plus rapides avaient déjà été réalisés, et en particulier, le record US sur la distance est inférieur aux 13’29’’ du Suisse. Un autre record, celui du 1500 mètres indoor, que l’Ethiopien Samuel Tefera a repris à Hicham El Guerrouj, a également suscité des réactions étonnantes.
14’44’’ et 13’29’’. Voilà les nouveaux records du monde du 5 kilomètres route réalisés ce dimanche à Monaco. Avec aux commandes, la Néerlandaisee Sifan Hassan et le Suisse Julien Wanders. Mais paradoxalement, ces deux chronos ne sont pas les plus rapides enregistrés sur cette distance… Et la validation en grandes pompes de ces records n’a pas fait que des heureux.
Surtout du côté des Etats-Unis, où les spécialistes n’ont pas compris comment ces 13’29’’ devenaient un record du monde alors que la Fédération Américaine d’Athlétisme affiche, elle, une performance de 13’00’’ comme record US open. Un résultat réalisé par le Kenyan Sammy Kipketer en 2000, à Carlsbad, une épreuve de référence aux Etats-Unis, mesurée de manière officielle, et dotée d’un contrôle anti-dopage, comme l’a confirmé David Monti, chargé d’organiser les plateaux sur les plus grosses épreuves américaines. Dans d’autres pays, comme l’Ethiopie, le Kenya, l’Australie, le Mexique,se révèle également inférieur à 13’29’’.
Mais l’IAAF n’a accepté, elle, d’officialiser un record du monde sur une telle distance que l’année dernière, et avant 2018, aucune référence n’est comptabilisée dans les statistiques de l’instance mondiale. C’est donc Bernard Lagat qui apparaît comme l’ancien détenteur du record du monde, avec 13’’30 bouclés à Prague en septembre 2018.
Une opération de communication de l’IAAF
La controverse a été amplifiée par le contexte de cette compétition, qui avait été mise sur pied dans le cadre de la remise des « Trophées Lauréus du Sport », attirant les meilleurs sportifs du monde entier, et qui allait sacrer Eliud Kipchoge. L’épreuve avait été conçue comme une belle opération de communication de l’IAAF, avec un plateau très restreint basé autour de deux leaders phare, Julien Wanders et Sifan Hassan.
Cette orchestration permettait à Julien Wanders de revendiquer son premier record du monde. Dix jours plus tôt, c’est le record d’Europe de semi-marathon, que le jeune Suisse avait réalisé à Ras el Khaïmah, avec une performance de 59’13’’, qui effaçait les 59’22’’ de Mo Farah, cinq semaines après son record d’Europe du 10 km. Trois très gros chronos qui confirment que Julien Wanders sera l’homme à suivre dans les mois à venir, surtout lors de sa transition vers le marathon. Dommage tout de même que le jeune Suisse n’ait pas encore été intégré dans le groupe cible IAAF, et sans qu’on puisse savoir si l’Agence Anti-Dopage Suisse l’a pris, elle, en compte, et lui diligente des contrôles au Kenya où il vit en permanence.
La Success Story Wanders trouvait en ce mois de février une caisse de résonnance énorme, avec cette épreuve atypique, se déroulant dans la ville siège de l’IAAF, et amplifiée par les gros moyens de filmage déployés par son manager « Global Sports Communication » et son partenaire NN Running Team, tant en amont du semi des Emirats Arabes que du 5 km de Monaco.
Car désormais, il ne suffit plus de courir vite. Il faut aussi respecter certains codes d’une communication moderne, pour susciter un intérêt plus grand du public. Sebastien Coe avait livré fin janvier un point de vue étonnant sur son souhait de voir les athlètes exprimer de manière voyante, à la fois leur joie et leur chagrin, à l’arrivée de leur course. Le patron de l’IAAF ne faisait pas mystère que ces manifestations d’enthousiasme ou de déception ne pouvaient que séduire un public plus large, et augmenter ainsi l’intérêt envers l’athlétisme.
Les athlètes, acteurs de reality shows ?
Les athlètes, tous mués en acteurs de reality shows ??? Le concept ne peut que surprendre. Et un premier dérapage s’est produit à l’occasion de l’établissement du record du monde du 1500 mètres en salle par l’Ethiopien Samuel Tefera, avec 3’31 »04. C’est un énorme record qui a été gommé ce 17 février à Birmingham, celui détenu par Hicham El Guerrouj depuis 22 ans.
Mais à son arrivée, le très jeune Ethiopien, il n’a que 19 ans, n’a pas eu de réaction de joie très marquée. Des remarques ont commencé à fuser, avec d’abord Steve Cram sur la BBC, puis par quelques tweets, repris par l’ancien athlète Tim Hutchings, s’offusquant de son manque d’enthousiasme, que certains ont attribué au fait que Samuel Tefera avait supplanté son compatriote Yomif Kejelcha, présumé ultra favori dans cette course au record du monde.
Dès le lendemain, son manager, Hussein Makke, organisait une séance photos avec Samuel Tefera, apparaissant tout sourire. Les programmes d’entraînement devront maintenant intégrer des sessions spéciales de formation pour apprendre à gérer les séquences émotion…
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : D.R.