C’est un pavé dans la mare que lance le site américain « Lets’Run » avec l’affirmation que le parcours du premier marathon d’Abu Dhabi était trop court. Un comble pour une épreuve se targuant d’être la plus dotée du monde, avec 379.000 dollars de primes, et 100.000 dollars aux vainqueurs… Le Kenyan Marius Kipserem l’a emporté en 2h04’04 en supplantant Abraham Kiptum, récent recordman du monde du semi-marathon, et l’Ethiopienne Ababel Yeshaneh en 2h20’16.
Les Emirats Arabes Unis ont voulu marquer les esprits pour leur entrée sur la scène internationale du marathon, avec une enveloppe financière énorme, 379.000 dollars de primes totales, 100.000 dollars pour les vainqueurs. Mais ils pourraient bien avoir loupé leur coup… Car on ne retiendra que l’erreur de parcours de la tête de course, qui a raccourci la distance courue !
A peine les deux leaders, Marius Kipserem et Abraham Kiptum étaient-ils arrivés, que Robert Johnson journaliste du site américain « Lets’Run » avait émis un gros bémol sur la distance parcourue. Ce grand connaisseur du marathon avait été alerté par plusieurs signaux anormaux. D’abord les chronos finaux pour les deux vainqueurs. Le Kenyan Marius Kipserem, qui courait son 16ème marathon à Abu Dhabi, améliorait son précédent record de près de deux minutes, passant de 2h06’11’’ à 2h04’04’’. L’Ethiopienne Ababel Yeshaneh faisait beaucoup mieux, basculant d’une modeste marque de 2h33’10 à du très haut niveau mondial en 2h20’16’’.
Ensuite les negative split très peu cohérents enregistrés par le duo. Soit 62’35’’ et 61’39’’ pour le Kenyan. Et 70’21’’ et 69’55’’ pour l’Ethiopienne. Un schéma peu compatible avec les conditions météo, une chaleur et une humidité de plus en plus forte, le soleil irradiant le parcours dans la deuxième moitié de course après un départ donné dans le noir à 6 heures du matin.
Surtout un élément s’avérait particulièrement troublant. Celui du chrono sur le segment 30ème-35ème kilomètre. Avec un chrono de 13’55’’ pour Kipserem et de 15’55’’ pour Yeshaneh, tout à fait choquants, et en désaccord avec les autres temps, variant entre 14’38’’ pour le premier 5 km et 14’59’’, et 16’01’’ et 17’28’’ pour la vainqueuse.
Les coureurs coupent sur le parcours
Autant de repères que de nombreux observateurs allaient passer à la moulinette pour arriver à la conclusion d’un problème sur ce segment, et plusieurs informateurs allaient aider Robert Johnson à détecter le lieu précis de l’erreur commise, au niveau du 34ème kilomètre, où les coureurs faisaient demi-tour sur eux-mêmes au lieu de prendre le large virage prévu. Une analyse précise des images de la course, diffusée en direct aux Etats-Unis, validait que les coureurs, qui suivaient le vélo ouvreur, n’avaient en réalité pas effectué le parcours prévu et mesuré officiellement, comme Robert Johnson l’explique dans la vidéo diffusée sur « Lets’Run ».
Conclusion sans appel : le parcours a été raccourci d’environ 400 à 500 mètres, soit un gain d’environ 60 à 70 secondes de temps de course.
Une mauvaise nouvelle pour la communauté du running, en validant que même de très grandes épreuves, largement dotées, peuvent connaître de telles mésaventures. Avec la prime de 100.000 dollars au vainqueur, Abu Dhabi s’était d’entrée de jeu hissée au 3ème rang mondial pour les primes, aux côtés de New York et Chicago, dans un classement dominé par Dubaï (200.000 dollars), et Boston (150.000 dollars). Et son budget global de 379.000 dollars en avait fait l’épreuve la plus riche au monde.
Mais une ombre est maintenant jetée sur ce nouveau venu, qui aspirait à obtenir dès l’année prochaine le label Gold IAAF, et dont le parcours avait été spécialement créé par Paul Tergat…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.