Ruth Jebet, la spécialiste du steeple du Bahrein, aurait été contrôlée positive à l’EPO en décembre dernier. Un nouveau scandale frappant la Championne Olympique de Rio, et recordwoman du monde à Paris en août 2016. Le Bahrein est encore mis à l’index, après la suspension de Rachid Ramzi, champion olympique en 2008.
Un contrôle positif pour une deuxième championne olympique… Après Jemima Sumgong en or sur le marathon, et déclarée positive au printemps 2017, selon plusieurs sources, ainsi que le quotidien The Guardian, le scandale toucherait Ruth Jebet, sacrée sur le 3000 mètres steeple à Rio, et auteur une semaine plus tard d’un record du monde de la distance, (8’52’’78) avec une très forte progression de plus de 7 secondes sur l’ancienne marque.
Le contrôle aurait eu lieu en décembre au Kenya, où Ruth Jebet s’entraîne en permanence en compagnie de l’équipe du Bahrein. Et c’est de l’EPO qui aurait été détecté chez la jeune athlète qui n’a que 21 ans… L’information est pour le moment démentie par l’IAAF et l’AMA, comme le précise Sean Ingle dans The Guardian.
A Rio, elle avait ramené la première médaille olympique à son nouveau pays, qui l’avait recrutée juste après ses premières réussites en athlétisme, en 2013, avec une double victoire aux « East Africa School Games », les championnats scolaires. Trois mois plus tard, à 16 ans seulement, elle évolue pour le Bahrein, pour les Championnats asiatiques et arabes, qu’elle domine, puis elle honore sa nouvelle patrie au Mondial junior, à Eugene en 2014, qu’elle remporte. Sa saison suivante sera plus délicate, en raison de blessures à répétition selon son entourage, et elle ne termine que 11ème au Mondial de 2015, et sur un chrono de 9’21’’. Malgré tout, son manager, le très énigmatique Marc Corstjens, décide de bâtir son entraînement hivernal autour d’un double objectif, une médaille d’or aux JO et le record du monde… Elle atteindra ces deux performances très aisément, frôlant le record du monde pendant la finale olympique, concrétisant l’exploit à Paris sept jours plus tard, avec un progrès de 28 secondes sur son record personnel.
Quel entraîneur ?
Sous la houlette de quel entraîneur ? Les informations ont souvent discordé sur ce point, en l’absence de référence officielle dans la biographie de la jeune athlète. Après le titre olympique, la presse marocaine avait fait le relais de la collaboration entre Ruth Jebet et Khalid Boulami. A l’arrêt de sa carrière, marquée par le bronze olympique sur 5000 mètres en 1996, deux titres de vice-champion du monde, en 1995 et 1997, le Marocain avait d’abord exercé des fonctions de coach dans son pays natal, mais dès 2000, il se tournait vers le Bahrein, avec à ses côtés Rachid Ramzi qu’il amenait à deux médailles d’or au Mondial 2005, sur 800 et 1500 m, puis une médaille d’or olympique à Pékin, qu’il perdra en 2009 après une réanalyse de son échantillon des JO. Et les médias marocains présentaient Khalid Boulami comme l’homme à l’origine de la réussite de la jeune spécialiste de steeple.
Toutefois juste après son record du monde de Paris, à la question sur les entraîneurs de l’athlète, Marc Corstjens nous avait cité deux noms, celui de Gregory Kilouzo, un Kenyan, et de Saad. Mais après concertation avec Ruth Jebet, le manager belge supprimait la référence à Saad, sans en dévoiler plus.
On sait maintenant que Saad désignait Saad Shaddad Al Asmari, un Saoudien de 50 ans, devenu entraîneur national au Bahrein depuis deux ans, après avoir occupé le poste de DTN en Arabie Saoudite. Lui-même ancien spécialiste de steeple, il avait décroché en 1995 une médaille de bronze au Championnat du Monde, puis une place de 4ème en 1997. Mais durant ses fonctions en Arabie Saoudite, les contrôles positifs se sont accumulés sur des athlètes du pays, avec en point d’orgue celui de Moukhled Al Outaibi, positif à la CERA en juillet 2016, à 40 ans, et disqualifié a posteriori de son résultat aux JO de Rio sur 5000 mètres…
Les liens rompus avec son pays natal, Saad s’est tourné vers le Bahrein, pour y driver les groupes de jeunes athlètes kenyans et éthiopiens recrutés par le pays, à grands coups de dollars. En janvier 2017, Saad n’avait pas dissimulé aux journalistes kenyans de « Citizen Digital » que le Roi du Bahrein, Hamad bin Isa Al Khalifa, déployait de gros moyens pour les équipes d’athlétisme, distribuant ainsi d’importantes allocations mensuelles aux parents des jeunes talents pour les convaincre de laisser partir leurs enfants vers ce pays.
Avec en point d’orgue, les 500.000 dollars alloués en récompense d’une médaille olympique, reçus par Ruth Jebet, mise à l’honneur dans son pays d’adoption dans une grande cérémonie au Palais Royal devant le Roi du Bahrein. S’y était ajoutée une somme de 500.000 dollars pour le record du monde. En deux saisons seulement, Ruth Jebet était déjà multi-millionnaire, de même que la marathonienne Eunice Kirwa, médaillée d’argent sur le marathon olympique.
Dix huit mois plus tard, l’ambiance au Bahrein s’est plombée. Ce contrôle positif à l’EPO, s’il est bien confirmé, sanctionne à nouveau un athlète champion olympique sous les couleurs du Bahrein. Seule petite consolation pour le Prince Royal, cette fois, l’or de Rio et le record du monde devraient demeurer la propriété de Ruth Jebet…
>Texte : Odile Baudrier
> Photo : Gilles Bertrand