Aller au contenu

L’ostarine, responsable du dopage de triple sauteurs américains

Kenta Bell, entraîneur d’un groupe de triple sauteurs américains, a été suspendu à vie par l’USADA, pour les avoir incités à utiliser des substances interdites. Huit athlètes du « Thinking Feet Track Club » ont également été sanctionnés, pour des durées variant entre 1 et 4 ans. En cause, leur utilisation d’ostarine, un produit de la famille des anabolisants, également détecté chez le triple sauteur Chris Carter, 6ème au mondial en salle 2014.

 

carter triple saut

8 athlètes suspendus, un entraîneur interdit à vie. Le « Thinking Feet Track Club », un groupe de triple sauteurs et sauteurs en longueur, a été décimé par les sanctions anti-dopage prononcées au cours de l’année 2017 par l’USADA. Avec une mesure rare, celle d’une interdiction à vie à l’encontre du coach Kenta Bell.

Kenta Bell, 40 ans, a compté parmi les meilleurs tripleux américains, avec à son actif, une marque à 17.63 m, deux titres nationaux, deux Jeux Olympiques, en 2004 (9ème) et 2008, deux places de finaliste au championnat du Monde, 6ème à Paris en 2003 et 9ème à Helskinki en 2005. Avec toutefois, déjà en 2007 un contrôle positif, à la methylprednisolone, conclu par une sanction très light, 3 mois de suspension.

KENTA BELL

A l’arrêt de sa carrière, en 2012, Kenta Bell s’oriente vers le coaching, avec la création en 2014 de ce « Thinking Feet Track Club », à Nashville, qu’il veut imposer comme le groupe de référence pour les sauts aux Etats-Unis, affichant sur son site internet des ambitions fortes pour ses athlètes, en s’appuyant sur une philosophie basée sur l’importance du « pied » dans l’entraînement.

Un crowfunding pour aller à Rio

Il attire de jeunes athlètes, en devenir, comme en témoignent leurs références, Imani Oliver, 14.02 m à 23 ans, Kenna Wolter, 28 ans, 13.48 m, Kayla Bushey, 23 ans, 11,49 m, Atlanta Westbrook, 25 ans, 12.21 m, et côté masculins, Vikas Patel, 22 ans, 13.76 m, Royce Dates, 27 ans, 15.10 m, Jonathan Sanford, 27 ans, 6.71 m à la longueur, mais aussi le Britannique Nana Owusu, 15.68 m. De futurs talents pleins d’espoirs, et à commencer par celui de disputer les JO de Rio. Au printemps 2016, Imani Oliver, étudiante à l’Université de Princeteon, lance même un crowfuding qu’elle intitule «Thinking Feet on the Road to Rio » avec l’ambition de collecter 15.800 dollars pour financer leur déplacement sur des compétitions qualificatives, et sur les trials olympiques.

Deux ans plus tard, la descente aux enfers est consommée. Les huit athlètes du groupe ont tous été suspendus, et Kenta Bell accusé de les avoir encouragés à utiliser des produits dopants, de l’ostarine, du methylsenbolone, de la famille des anabolisants, et de l’armistane, un modulateur hormonal.

L’analyse des neuf décisions relayées par l’USADA révèle qu’Imani Oliver a été la première athlète du groupe à être contrôlée positive, justement durant les sélections américaines pour les Jeux Olympiques de Rio. C’est à l’issue des qualifications le 7 juillet 2016 où elle vient d’établir un nouveau record, avec 14.02 mètres qu’elle se voit mise en cause, pour la présence d’ostarine. Mais elle admet avoir utilisé dès le mois de mars 2016 un complément alimentaire contenant de l’ostarine, et les investigations qui vont suivre révèlent que l’ensemble des sauteurs du Thinking Feet Track Club a eu recours aux mêmes produits, sur les conseils de Kenta Bell.

imani oliver

Une seule athlète positive, les aveux pour les autres

Selon les délibérations prises par l’USADA, certains vont admettre cette utilisation, d’autres vont chercher à la dissimuler, voire même fournir de faux témoignages, et les sanctions décidées tiennent compte de ces comportements. Ainsi Atlanta Westbrook et Royce Dates ont reçu une suspension de 4 ans, accusés d’usage et possession de produits interdits, d’incitation à l’utilisation de tels produits, et de faux témoignages.

Pour Imani Oliver, Nana Owusu, Jonathan Sanford, les sanctions se sont limitées à une année : elle et ils ont admis leurs fautes, et ce sont les dates d’utilisation des produits avouées aux enquêteurs de l’USADA, qui ont servi de repères pour décider des débuts de sanctions.

Et Kenta Bell va apparaître comme l’acteur central de cette débâcle, accusé d’avoir conseillé à ses athlètes d’utiliser un complément à base d’ostarine, methylstenbolone, et arimistane, entre juillet 2015 et juin 2016. Ce n’est qu’en septembre 2017, que le coach accepte une suspension à vie, acculé par les témoignages recueillis à son encontre, et par les preuves recueillies contre lui par les enquêteurs de l’USADA.

L’ostarine, un médicament encore en tests

L’ostarine, également dénommé MK 2866 et Enobosarm, est bien connu du monde du culturisme et body building. Quelques clics sur les forums internet spécialisés révèlent l’enthousiasme de ses utilisateurs, conquis par sa facilité à faire augmenter les masses musculaires de manière rapide.

Ce médicament a été développé dans l’optique du traitement de l’ostéoporose et de la fonte musuclaire, mais il n’a jamais été mis sur le marché, faute de résultats concluants. Comme le souligne Jean Yves Dionne, pharmacien, et animateur du site « Franchement Santé », ses dangers ne peuvent être éludés, mais ne sont pas non plus très connus, s’agissant d’un produit qui n’a fait l’objet que de tests cliniques, encore en cours sur des cancéreux.

Chris Carter, une peine légère pour sa bonne foi ?

Pourtant des fabricants de compléments alimentaires n’hésitent pas à inclure de l’ostarine dans leurs produits, pouvant provoquer des contrôles positifs chez les sportifs. C’est ce qui serait arrivé à Chris Carter, qui avait ainsi déclaré lors du prélèvement de son urine en février 2017, l’utilisation d’un complément qui, après analyse par le laboratoire de Salt Lake City, s’était révélé contenir de l’ostarine, sans que cela ne figure dans la composition affichée par le fabricant.

La bonne foi de Chris Carter a ainsi été reconnue par l’USADA, qui a fait preuve d’une certaine mansuétude à l’égard de Chris Carter, sanctionné par seulement 9 mois de suspension, lui permettant de revenir sur les sautoirs dès le début 2018…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand et D.R.