Les débats autour de l’utilisation des corticoïdes en compétition ont repris avec une grande acuité suite aux révélations recueillies auprès de Shane Shutton, l’entraîneur britannique du cyclisme, qui défend une pratique très élargie des AUT, permettant d’obtenir des « gains marginaux » grâce à ce médicament. En cause surtout le triamcinolone, huit fois plus puissant que le prednisone, présent dans le Kenacort retard, et très utilisé dans les pelotons.
Nouvelle tempête en Angleterre autour de l’équipe Sky, de Bradley Wiggins et de leur utilisation des corticoïdes. En cause les propos très étonnants de Shane Sutton, qui a été l’entraîneur de Bradley Wiggins et de l’équipe nationale, pendant plusieurs années, et qui au micro des journalistes de la BBC Two, livre son point de vue sur l’utilisation des corticoïdes et autres produits contre l’allergie, avec des déclarations qu’on pourrait considérer comme une véritable « ode » à leur usage.
Shane Sutton a multiplié des affirmations très dérangeantes, et surtout celle que les AUT Autorisations Thérapeutiques d’Usage peuvent être utilisées pour obtenir des « gains marginaux ». Une reconnaissance en bonne et due forme que les corticoïdes agissent favorablement sur la performance, y compris chez un sportif malade auquel le médecin prescrit ces médicaments.
Dans le documentaire diffusé ce dimanche sur la BBC Two, l’entraîneur, qui travaille maintenant en Chine, a fourni une réponse sans ambiguïté à la question « Trouver des gains signifie-il dire obtenir une AUT ? », en commentant : « Oui, car les règles nous autorisent à le faire. »
Ce témoignage a soulevé de nombreuses réactions négatives, jusqu’au patron de l’AMA, Craig Reedie, qui a révélé dans The Times sa déception à constater que le système de l’AUT, créé pour permettre aux sportifs malades de se soigner, peut être ainsi détourné dans une optique de performance. Il ne s’agit pas vraiment d’une découverte, mais l’AMA tarde à opter pour des solutions radicales, même si un groupe d’experts travaille sur ce sujet depuis plusieurs mois, et alors que David Lappartient, le nouveau patron de l’UCI, prône un arrêt de compétition de 14 jours après tout traitement aux corticoïdes.
Le triamcinolone, détourné de son utilisation
L’affaire s’est d’autant plus amplifiée que l’émission était diffusée justement la semaine où les autorités anti-dopage britanniques avaient décidé de clôturer l’enquête en cours sur Bradley Wiggins, après son utilisation répétée du triamcinolone, dans les périodes précédant le Tour de France 2011 et 2012, le Giro 2013, qu’il allait remporter.
Cette décision valide ainsi en quelque sorte l’argumentaire officiel du cycliste, à savoir que le triamcinolone le soignait pour une rhinite allergique provoquée par le pollen. Le produit est effectivement présent dans le « Nasacort nasal » prescrit pour de tels cas.
Mais de nombreux témoignages ont discrédité une telle justification, et l’ancien cycliste dopé, David Millar, a ainsi souligné que le triamcinolone, présent en particulier dans le Kenacort Retard, était l’un des plus puissants produits dopants qu’il ait utilisé dans sa carrière, plus efficace même que l’EPO…
Et comme me l’expliquait récemment un ancien cycliste français connaisseur du dopage, avec les corticoïdes, il est facile de détourner les règles : il suffit de voir son médecin en début de saison pour se plaindre d’un problème d’allergie ou d’une tendinite, d’obtenir une ordonnance pour des corticoïdes et de les utiliser toute l’année pour améliorer ses performances…. C’est ce qu’on appelle l’alibi parfait des AUT !
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.
Les corticoïdes, bientôt sur la liste des produits interdits ?