Une étude hollandaise prétend que l’EPO n’agit pas sur les performances, et que son effet dopant n’est pas avéré. Une affirmation qui crée polémique dans la communauté scientifique sportive, ulcérée de voir contester l’impact positif sur les chronos de l’EPO…
Le très sérieux « The Lancet.com » crée la polémique dans la communauté scientifique sportive. En cause un article publié ce jeudi 29 juin rendant compte d’une étude réalisée par une équipe de chercheurs hollandais sur l’impact de l’EPO sur les performances sportives.
Cette équipe de 15 personnes du Centre de Recherches sur les Drogues de Leiden, formée autour de Jules Heuberger, l’auteur principal, a travaillé pour un test en double aveugle, avec une moitié des sujets recevant des injections d’EPO et une autre moitié des injections salines dites placebo, en s’appuyant sur 48 cyclistes amateurs mais bien entraînés, répartis en 2 groupes, 18-34 ans et 35-50 ans.
Un protocole avec 3 épreuves
Comme l’explique le site français « Medscape », tous ont suivi le même protocole d’injections, pendant 8 semaines, puis de tests avec plusieurs épreuves. D’abord une montée en tension (ramp test) en laboratoire, pour tester les cyclistes sur un travail de haute intensité. Puis un autre test en laboratoire, avec 45 minutes de pédalage à une puissance correspondant à 80% de leur maximum. Enfin, 12 jours après les dernières injections d’EPO ou de solution saline, ils se sont attaqués à une distance de 100 km, puis l’ascension du Mont Ventoux.
La première épreuve en laboratoire, basée sur l’intensité, a fait apparaître une différence d’environ 4 à 5% entre les deux groupes (à l’avantage de l’EPO), pour la puissance maximale développée, et la consommation maximale d’oxygène.
Pour les autres tests, axés sur l’endurance, en laboratoire, comme sur route, les chercheurs estiment qu’il n’apparaît pas de différence entre les deux groupes, pour la puissance moyenne, la consommation d’oxygène, les temps de course, le rythme cardiaque, les taux de lactate.
Ce sont ces résultats qui autorisent Jules Heuberger, le chercheur hollandais, à affirmer que l’EPO n’améliore pas les performances dans les épreuves d’endurance, et dans une « vraie » course.
Des résultats à l’opposé des autres études
Même s’il souligne qu’il demeure incertain de savoir si ces résultats peuvent être appliqués aussi à des cyclistes ou sportifs de très haut niveau, il s’inscrit ainsi en contrepied avec les études réalisées précédemment, dévoilant une amélioration des performances estimées à environ 6% après utilisation de l’EPO, comme dans l’étude menée en 2012 sur des athlètes, sur la base de leurs chronos sur 3000 m.
Contacté par l’AFP, Michel Audran, une sommité de l’anti-dopage, auteur de plusieurs études sur l’EPO, patron du laboratoire anti-dopage de Châtenay Malabry, a estimé que l’étude lui apparaissait surprenante, mais bien construite, notant comme seul bémol, le fait qu’une partie des sujets affichait plus de 35 ans, ce qui est très rare dans le sport de haut niveau.
Tucker, Burnely, Millet, Vazel, tous hostiles
A l’opposé, de nombreux experts du monde entier se sont montrés très hostiles à ce travail, et les réactions ont pullulé, du Sud Africain Ross Tucker, au Britannique Mark Burnley, sans oublier les Français, Grégoire Millet, professeur à l’Université de Lausanne, et Pierre Jean Vazel, entraîneur pour Altis. Tous ulcérés de voir ainsi diffusées des informations contribuant à une remise en cause de l’effet dopant de l’EPO.
Le site « bicycling.com » s’est attaqué à une analyse détaillée des éléments de l’enquête hollandaise, pour mettre en cause la méthode utilisée par l’équipe du Hollandais Jules Heuberger, et surtout les éléments mesurés, qui ne prennent pas en compte la performance maximale, une donnée essentielle en compétition.
Ces querelles scientifiques évidemment très techniques ne peuvent que provoquer un certain trouble sur la lutte anti-dopage, en jetant un doute sur l’efficacité d’un produit tel que l’EPO, qui a été à l’origine de très nombreuses sanctions pour dopage, et en affirmant que l’effet serait en réalité psychologique.
Jules Heuberger, le patron de l’étude, n’a ainsi pas hésité à souligner qu’il est dommage pour Lance Amstrong d’avoir gâché des années de sa vie en utilisant un produit finalement non efficace. Alors qu’à l’opposé, des experts, comme Ross Tucker, ont réaffirmé qu’au contraire, si les sportifs de divers pays continuent à recourir à un produit dopant à travers les années, c’est bel et bien parce qu’ils ont constaté son efficacité…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.