Le record d’Eliud Kipchoge a été passé à la moulinette par divers experts. Et tous sont unanimes : cette performance de 2h00’25’’ doit tout aux « pacers » qui ont tiré le Kenyan sur le circuit de Monza, et beaucoup moins aux autres facteurs facilitateurs comme la nouvelle chaussure Nike, la boisson innovante Maurten…
2h02’. C’est le chrono qu’Eliud Kipchoge aurait pu réaliser s’il avait effectué son marathon dans une épreuve « normale », avec des pacers « normaux », comprenez qui évoluent avec le coureur jusqu’à un certain kilométrage.
Les experts ont sorti les calculettes pour appréhender le gain de temps qu’ont apporté l’escouade de pacers placée devant Kipchoge, ainsi que la voiture « Tesla » emmenant la course juste devant cette petite armée. Et les analyses donnent un bénéfice évalué entre 89 et 111 secondes. Soit un chrono final variant entre 2h01’54’’ et 2h02’16’’.
Un crédit fort donc donné à ces « pacers » et à la voiture, supplantant ainsi l’impact positif apporté par la nouvelle chaussure Nike utilisée et la boisson innovante « Maurten ». Pourquoi un tel avantage ? Parce que la voiture et les six hommes évoluant devant le Kenyan l’ont protégé du vent, mais surtout parce qu’ils ont constamment respecté une allure parfaitement régulière, puisque ces coureurs se succédaient les uns autres très régulièrement pour éviter tout fléchissement de rythme.
Eliud Kipchoge n’avait plus qu’à suivre cette petite armée, et comme le rappelle l’entraîneur Steve Magness, les études effectuées sur les « pacers » démontrent que ceci s’avère un avantage déterminant, en évitant au coureur d’avoir à choisir par lui-même son allure.
2h02’18’’ dans une course normale
Une analyse réalisée par Hans Van Dick, auteur du livre « The secret of running », le confirme de manière très rationnelle en évaluant les watts consommés par Eliud Kipchoge pendant son record. Le chercheur Hollandais, fidèle à sa méthode orchestrée autour de la puissance, s’appuie sur le calcul de la résistance à l’air enregistrée, pour conclure que le drafting a été parfait, en réduisant la résistance à l’air de 37.5% (ou 11 watt), alors qu’en vélo, l’impact du drafting est évalué à 40%.
Et de calculer le chrono qu’Eliud Kipchoge aurait réalisé selon diverses configurations :
- 2h03’49 – course seul, sans aucune assistance
- 2h02’18 – course avec des pacers « normaux », soit 3 coureurs jusqu’au 25-30ème
- 2h00’25 – course réalisée avec les 6 pacers se relayant et en escadrille devant lui
- 1h54’10 – course sans aucune résistance à l’air, par exemple en intérieur sur tapis roulant…
Ainsi selon ces éléments, dans un marathon « normal », Eliud Kipchoge aurait éclipsé le record du monde du marathon de Dennis Kimetto (2h02’57’). Mais le choix de s’investir dans ce projet grandiose l’en a privé. Jusqu’à très bientôt ??
Et un 100 m arrangé pour Bolt ??
Ce point du record du monde « réel » comparé à un record « virtuel » n’a pas manqué de susciter de nombreuses réactions, et le Sud Africain Ross Tucker se distingue avec l’idée que ce projet conduit dans ces conditions correspond à une montée de l’Everest effectuée avec assistance d’oxygène, et non pas de manière « naturelle ».
Le point de vue du Français Pierre Jean Vazel se révèle particulièrement percutant. L’entraîneur français estime que cette course correspond à un sprint sur 100 mètres d’Usain Bolt couru en altitude, avec un starter automatique réglé sur 0.1 seconde de temps de réaction, 2 mètres de vent artificiel, une piste très dure, des pointes en brosse, des rivaux qui le tirent.
Une comparaison résumant parfaitement la situation construite pour Eliud Kipchoge pour l’amener à cette grosse performance.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R. Nike
Breaking 2 : Eliud Kipchoge réussit 2h00’25’’ sur le circuit de Monza