Sebastian Coe a pris une décision radicale concernant les transferts de nationalités. Elles seront désormais gelées dans l’attente d’une nouvelle réglementation à définir. L’IAAF agit ainsi pour réagir au pillage des talents de l’athlétisme de l’Afrique par des nations fortunées, dans un contexte souvent peu respectueux des droits des athlètes.
Le congrès de l’IAAF se tenant à Monaco a annoncé deux mesures radicales, la première concerne la Russie, qui voit la porte du Mondial 2017 se fermer, avec son interdiction qui se poursuit. La deuxième bloque tout nouveau transfert de nationalité dans l’athlétisme jusqu’à ce que de nouvelles règles soient définies.
La décision n’est pas tout à fait surprenante à considérer les dérapages constatés dans les dernières années sur les transferts de nationalité, d’athlètes, essentiellement originaires d’Afrique, vers des pays, comme le Qatar, le Bahrein, la Turquie, leur promettant des avantages financiers conséquents, pour ramener des médailles à leurs nouvelles nations.
Mais la situation s’était largement dégradée, comme plusieurs cas en avaient témoigné, avec des naturalisations à la va-vite, à quelques jours de compétitions importantes, comme ce fut le cas par exemple pour Araz Kaya, naturalisé turc mi juin 2016 et autorisé à représenter la Turquie début juillet 2016.
L’Afrique, un marché de gros offert aux plus offrants
Surtout, l’IAAF a voulu réagir face au pillage de l’Afrique. C’est le terme employé par Hamad Kalbaka Malboum, représentant de l’Afrique au sein de l’IAAF, qui a expliqué : « La situation actuelle est mauvaise. Ce que nous avons est un marché de gros pour les talents africains ouvert aux plus offrants. Beaucoup des athlètes concernés n’ont pas compris qu’ils allaient perdre leur nationalité, la plupart ont été transférés très jeunes. Cela doit s’achever et une nouvelle voie doit être trouvée, pour le respect des droits des athlètes et la dignité du sport ».
Le Camerounais Kalbaka s’insurge ainsi contre la mauvaise pratique de nationalités données seulement pour la durée de la carrière athlétique et non pas à vie. Sans les citer, il désigne le Qatar, le Bahrein, la Turquie, où les fins de carrière ont été délicates pour plusieurs athlètes, contraints de restituer leurs nouveaux passeports. Il se murmure aussi que des litiges financiers sont apparus, comme dans le cas de Saif Saaeed Shaheen. L’ancien Kenyan nommé Stephen Cherono, recruté après son titre mondial junior, a toujours contesté avoir reçu la somme de 1 million de dollars promise par le Qatar après ses différents titres mondiaux.
Grâce à cette politique de recrutement africain, souvent amorcée dès les écoles au Kenya, le Bahrein, le Qatar, les Emirats Arabes Unis ont pu briller dans les compétitions, en particulier au niveau de leur continent de l’Asie, et lors des Asian Games de 2014, il avait été noté que 14 des 22 titres décernés dans le domaine de la course avaient été remportés par des athlètes d’origine africaine.
Aux Jeux Olympiques de Rio, le Bahrein a pu se targuer de deux médailles, grâce à Ruth Jebet, sacrée sur le steeple, et Eunice Kirwa, en argent sur le marathon, et alors même que Ruth Jebet ne connaît quasiment rien de son nouveau pays.
Aux récents championnats d’Europe de cross, la tension était encore montée d’un cran, avec la domination des athlètes de Turquie, grâce au doublé masculin et féminin réalisé par Aras Kaya, Kemboi Arikan, Yasemin Can, Meryem Akda, un quatuor de choc formé d’anciens Kenyans.
Cette période devrait donc être révolue, une fois la quinzaine de transferts en cours achevée….
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand