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Ezekiel Kemboi, le meilleur coureur de steeple de tous les temps ?

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Le Kenyan Ezekiel Kemboi avait prévu d’achever sa carrière aux JO de Rio, mais après sa disqualification, le spécialiste du steeple a décidé de poursuivre jusqu’à Londres 2017. Son parcours dévoile une qualité de résultats exceptionnelle à travers les années, que Jean-Claude Vollmer, spécialiste de l’analyse des performances, dissèque en détails.

 

Kemboi est-il le meilleur coureur de 3000 mètres steeple de tous les temps ? Pour tenter de répondre à une telle question, deux approches sont possibles : le palmarès en compétitions et les chronos.

Les Kenyans (ou ex-Kenyans) dominent la scène internationale depuis la dernière victoire d’un Européen lors d’un grand championnat à l’échelon planétaire, en l’occurrence l’Italien Panetta en 1987 à Rome avec, comme en 1983 à Helsinki en 1983 un podium totalement européen. Depuis seuls quelques non Kenyans ont pu mettre le pied sur les podiums mondiaux :
– Rowland (GB) : 3ème aux JO en 1988 à Séoul.
– Brahmi (Alg.) : 3ème aux chpts du monde en 1991 à Tokyo.
– Lambruschini (Ita.) : 3ème aux chpts du monde en 1993 à Stuttgart puis 3ème aux JO d’Atlanta rn 1996
– Ezzine (Mar.) : 3ème aux chpts du monde en 1999 à Séville, 3ème aux JO de 2000 à Sydney et deuxième aux championnats du monde de 2001 à Edmonton.
– Martin (Esp.) : 3ème aux chpts du monde en 2003 à Paris.
– Tahri (Fra.) : 3ème aux chpts du monde en 2009 à Berlin
– Jager (USA) : 2ème aux JO 2016 à RIO
– Mekhissi (Fra.) : 2ème aux JO de 2008 à Pékin et 2012 à Londres, 3ème aux JO de 2016 à Rio, 3ème aux chpts du monde de 2011 à Daegu et de 2013 à Moscou.

Un bilan comptable exceptionnel pour les coureurs kenyans et ex kenyans depuis 1983 (date des premiers championnats du monde) : sur les 24 championnats disputés depuis cette date :
– 22 victoires
– 17 deuxièmes places
– 10 troisièmes places.
Bref, ils ne laissent à leurs adversaires que des miettes.

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A noter : autant les Kenyans sont challengés sur 5000 m, sur 10000 mètres, sur marathon par les Ethiopiens, mais jamais un Ethiopien n’est monté sur un podium mondial du steeple depuis 1983. Le 3000 mètres steeple semble réclamer des qualités de pied, de coordination, de souplesse, de prise de risque, de changements de rythme que ne semblent pas posséder les Ethiopiens plus orientés vers les longues distances. Le 3000 mètres steeple est donc un véritable phénomène culturel chez les Kenyans.

Si l’on observe les données biométriques (sources IAAF) des coureurs kenyans

– Moses Kiptanui : 1m 75/60 kg
– Wilson Boit Kipketer : 1m67/52 kg
– Bernard Barmasai : 1m73/55 kg
– Reuben Kosgei : 1m73/54 kg
– Saif Saaeed Shaheen : 1m77/64 kg
– Ezekiel Kemboi : 1m75/62 kg
– Paul Kipsiele Koech : 1m68/ 57 kg
– Brimin Kipruto : 1m76 / 54 kg

On voit qu’ils sont particulièrement légers, ce qui constitue un avantage sur le steeple car le franchissement des barrières et de la rivière est coûteux en énergie. Légers, dynamiques, dotés d’une bonne motricité, le coureur kenyan semble prédestiné pour le 3000 m steeple.

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La trajectoire sportive de Kemboi.

Depuis son apparition sur la scène internationale en 2003 jusqu’en 2015, Kemboi est toujours monté sur un podium mondial (en-dehors des JO 2008).
Il a remporté :
– 2 titres olympiques (2004-2012). Seul le Finlandais Iso-Hollo (en 1932 et 1936) a réussi le même exploit
– 4 titres de champion du monde (2009-2011-2013-2015)
– Il précède Moses Kiptanui, vainqueur en 1991, 1993,1995 et deuxième en 1997
Il a également terminé :
– 3 fois second aux championnats du monde (2003, 2005,2007)
N’aurait été sa disqualification en finale (initialement troisième) aux JO de Rio, son troisième podium olympique en aurait fait une légende.
Comme beaucoup de Kenyans, Kemboi a atteint très rapidement (dès ses 20 ans) le haut niveau .

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Lors de ses premières compétitions internationales, il tombe sur un adversaire redoutable : Saif Saaeed Shaheen (ex Stephen Cherono – d’origine kenyane et naturalisé qatari en 2003). Si Kemboi l’emporte aux JO à Athènes en 2004, ce n’est probablement que parce que Shaheen n’a pas pu participer aux JO en raison de son changement de nationalité. Car Kemboi n’a jamais réussi à battre Shaheen ! Celui-ci est un coureur complet, très rapide au sprint mais surtout un coureur aux stratégies de course improbables, plus fantasque encore que Kemboi. Shaheen était probablement le meilleur dans l’absolu mais n’a pas concrétiser cette supériorité en raison de sa carrière écourtée par les blessures.

Qui ne se souvient de ce qui fut et restera probablement la course de 3000 m steeple la plus folle de tous les temps lors des championnats du monde de Paris 2003 : une course de dingues avec un départ de folie de Shaheen, un ralentissement brutal, de petits passages en mode jogging, des changements de rythme, des accélérations puis un sprint au cours duquel Shaheen a imposé sa loi.

Kemboi finira à nouveau second derrière Shaheen aux chpts du monde à Helsinki en 2005. Shaheen écarté des pistes pour blessure en 2007, Kemboi sera pourtant encore battu en 2007 à Osaka par Kipruto Brimin . Malade, Il échouera (en terminant à la 7ème place) en finale des JO de 2008 remporté à nouveau par Kipruto.
Ce n’est qu’une fois Shaheen totalement disparu des pistes, que Kemboi a réussi à s’imposer. C’est aussi à ce moment, fin 2008, que dépité de se faire battre systématiquement, il est allé s’entraîner sous la férule de Moses Kiptanui afin que celui lui apporte son savoir-faire dans le franchissement des barrières (il lui est arrivé de se faire disqualifier pour franchissement irrégulier ) et la conduite des courses.

Moses Kiptanui, le premier homme sous les 8 minutes

Moses Kiptanui a amené la discipline dans une autre dimension, portant le record du monde du 3000 mètres steeple au niveau des autres records du demi–fond. Un palmarès exceptionnel auquel il ne manque qu’un titre olympique (2ème à Atlanta) alors qu’il a dominé le steeple de 1991 à 1997 ( 5 fois en tête des bilans mondiaux).
Mais le disciple va finir par dépasser le maître. Kemboi va s’imposer successivement dans tous les championnats du monde en 2009, 2011, 2013, 2015, puis remporter une 2ème médaille d’or olympique à Londres et finir 3ème à Rio avant d’être disqualifié dans les circonstances que l’on connaît.

Comment expliquer cette longévité et ce palmarès ?

Kemboi n’est que le 6ème performer mondial de tous les temps derrière :
• Shaheen : 7 :53 .63
• Kipruto B. : 7 :53.64
• Koech : 7 :54 .33
• Boulami : 7 :55 .28
• Barmasai : 7 :55 .72
• Kemboi : 7 : 55 .76
Quelques dixièmes à peine devant son entraîneur Moses Kiptanui 7 :56 .16 en 1997

Quand on regarde ses meilleures performances réalisées lors de sa longue carrière (voir tableau 3) on voit qu’il n’est, contrairement à ses adversaires ou prédécesseurs, descendu que 3 fois sous les 8’ alors que Shaheen a couru 9 fois sous les 8’, Paul Kipsiele Koech 7 fois et Boulami et son mentor Kiptanui l’ont fait 3 fois.

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Lorsqu’on fait la moyenne des 5 meilleures performances, on constate là aussi, que Kemboi n’est de loin pas le meilleur, largement devancé par Shaheen qui présente une densité de performances de haut niveau impressionnante (il a quasiment 2 secondes d’avance sur son suivant Paul Kipsiele Koech et quatre secondes sur Boulami et Kemboi ).
Kemboi fait à peine mieux que ses illustres prédécesseurs de la fin du 20ème siècle, Moses Kiptanui et Barmasai ou que son plus rude adversaire dans les années 2007 – 2010, Brimin Kipruto.

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Au niveau de la moyenne des 10 meilleures performances, Kemboi progresse d’un rang et passe devant Boulami qui ne possède pas une belle densité de performances (et on devine pourquoi !). L’irruption de Boulami en 2000 et sa stupéfiante progression en 2001 – 2002 puis ses performances moyennes lors de son retour après sa période de dopage sont l’illustration parfaite d’un itinéraire d’un dopé.

6Au niveau de la moyenne des 20 meilleures performances, Kemboi reste à 3 secondes de deux monstres du 3000 mètres steeple que sont Shaheen et Paul Kipsiele Koech. L’un (Shaheen) doit cette moyenne à ses nombreuses performances sous les 8’ et l’autre à une extraordinaire densité de performances accumulées durant les meetings tout au long de sa très longue carrière (15 ans).

Limité par sa vitesse terminale (un seul podium mondial), Koech, coureur de train, a surtout été un spécialiste des courses en meeting. Ainsi, lors de la fantastique course de Monaco en 2011 avec la victoire de Kipruto en 7:53.64 -à un centième du record du monde – devant Kemboi qui établira sa meilleure performance en 7 :55.76, c’est Paul Kipsiele Koech qui a permis la réalisation de ces chronos, menant grand train derrière les lièvres, avant de se faire déposer, comme souvent, à 300 mètres de l’arrivée pour terminer en 7 :56.58.

On notera à la lecture de ces bilans que des coureurs avec des performances remarquables comme Reuben Kosgei (champion olympique à Sydney et champion du monde à Edmonton) avec 7 :57.29 ou encore Matelong avec 7 :56.18 ( deuxième à Berlin et 2 x 3ème à Osaka et Pekin) présentent des deuxièmes performances supérieures à 8’ (8 :00 .89 pour Matelong, 8 :03 .22 pour Kosgei – soit 6 secondes d’écart entre le premier et second chrono). Ce constat est également vrai pour Brimin Kipruto, qui a échoué d’un petit centième pour le record du monde à Monaco en 2011 et qui a une deuxième meilleure performance à 8:00.90.

Kosgei R a réalisé sa performance lors d’un autre 3000 m steeple d’anthologie, le plus dense de l’histoire, le 24 août 2001 à Bruxelles derrière le recordman du monde Boulami qui gagne en 7 :55 .28 en devançant celui qui s’appelait encore Stephen Cherono (Shaheen) 3ème en 7 :58.66 et Misoi en 8 :01.69, Tahri terminant 7ème de la course en 8’09.23.

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Ce tableau illustre la densité des performances des plus grands coureurs de steeple depuis les années 1980. On notera le nombre impressionnant des chronos sous les 8:05 et 8:10 de Paul Kipsiele Koech.

Ces statistiques montrent également la belle place qu’occupent Mahiedine Mehkissi et Bob Tahri dans l’histoire du 3000 m Steeple mondial. Bob Tahri a été un acteur historique du 3000 m steeple alors que Mahiedine Mekhissi n’a peut-être pas encore fini d’en écrire l’histoire.

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Comment durer et gagner ?

Alors que de nombreux coureurs de steeple ont flambé certains étés, courant très souvent et très vite à l’image de Barmasai (7 meilleures performances sur 10 dans les bilans mondiaux en 1999) mais surtout Shaheen (5 sur 10 en 2003, 4 sur 10 en 2004, 5 sur 10 en 2005) ou encore Paul Kipsiele Koech (4 sur 10 en 2007 – les 4 premiers chronos ou 5 sur 10 en 2008 – les 5 premiers ou encore 5 sur 10 en 2013) ou Birech (5 sur 10 en 2014), pour sa part, Ezekiel Kemboi a, la plupart des années (en-dehors de la saison 2003) été très sage durant toute sa carrière, courant relativement peu certaines saisons, négligeant la course au chrono et aux primes dans les meetings pour être toujours présent le jour J lors des grandes compétitions (il n’est en tête de la ranking list mondiale qu’en 2009 – sa meilleure année – et 2013)

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En-dehors de la saison 2003, Ezekiel Kemboi a toujours été très économe dans ses sorties alors que nombre de ses compatriotes s’échinaient dans le circuit des meetings s’épuisant à courir le cachet. C’était le cas de Shaheen enchaînant les courses durant ses belles années (2001 – 2006), de Koech, de Kipruto Brimin et de biens d’autres ou de Kipruto Conseslus actuellement.

Mais là où Kemboi est tout simplement incroyable, c’est qu’il ait réussi à être systématiquement présent lors des redoutables trials kenyans qualificatifs aux grands championnats. Son ratio (11 trials sur 11) est réellement extraordinaire quand on connaît la densité des coureurs kenyans et le prix qu’ils attachent à cette discipline – depuis 1984, un Kenyan l’a toujours emporté aux JO et tous les vainqueurs des championnats du monde ou des JO depuis 1987 sont d’origine kenyane ! Ce résultat aux trials montre cette capacité incroyable de se transcender quand l’enjeu est important, démontrant une confiance et une assurance sans faille.

Courir vite en meeting ou s’imposer en championnat lorsqu’il n’y a pas de lièvres et que chaque coureur est livré à lui-même face à l’enjeu de la médaille dans des courses tactiques sont vraiment deux choses bien différentes. Et à ce petit jeu, Kemboi est incontestablement le roi !

Son changement de rythme en fréquence sur quelques foulées, cette vélocité exceptionnelle et cette parfaite maîtrise du franchissement des barrières à haute vitesse dans les derniers 300 mètres ou 400 mètres (Kemboi a parfois terminé des courses en couvrant les 400 derniers mètres en moins de 57 secondes) constituent des atouts clefs dans les courses de championnat.

Ezekiel Kemboi chez lui à Eldoret très décontracté peu avant de partir pour courir à Eugene
Ezekiel Kemboi chez lui à Eldoret très décontracté peu avant de partir pour courir à Eugene

La qualité de son franchissement, (à ses débuts il lui est arrivé de se faire disqualifier pour franchissement irrégulier) à haute vitesse (et dans ce domaine l’apport de Kiptanui n’est sûrement pas étranger) est exceptionnelle même s’il est loin de la technique conventionnelle de coureurs tels qu’on a pu le voir chez les allemands Patriz Ilg et Michael Karst dans les années 70-80, chez l’américain Marsh ou chez Joseph Mahmoud.

Sa coordination, sa qualité de pied, son dynamisme et sa force grâce à son rapport taille–poids particulièrement favorable, son style tout en fréquence gestuelle, son démarrage irrésistible, que tous ses adversaires attendent mais qu’ils sont incapables de contrer lorsqu’il le produit, le rendaient invincible. Fantasque, incontrôlable (ses déboires en dehors de la piste en attestent – vie civile, problèmes avec la fédération) démonstratif pendant mais surtout après ses courses, un rien arrogant, coureur imprévisible, Kemboi est doté de l’arme fatale : une excellente vitesse terminale (on ne saura malheureusement jamais combien il valait réellement sur 1500 mètres car il a peu abordé la distance). ll n’a été, que rarement, poussé dans ses limites, c’est-à-dire challengé par une course au train élevée. C’est comme si ses adversaires admettaient sa supériorité. Cette supériorité, n’est pas d’ordre physique, car beaucoup de coureurs ont de meilleurs ou des chronos de même niveau. Non ! Cette supériorité est d’ordre mental !

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Des victoires obtenues avec des temps modestes

A l’instar de Mo Farah, Ezekiel Kemboi avait pris un incroyable ascendant sur ses adversaires, les rendant incapables d’adopter la seule bonne stratégie pour le battre en le confrontant à des allures de course très élevées lors d’une finale en championnat, comme Conseslus Kipruto a osé le faire à Rio avec succès. Ainsi, de 2009 à 2015, ses adversaires lui ont carrément amené les victoires sur un plateau même lorsqu’ils lui étaient supérieurs, comme dans les années 2012 et 2015 par exemple.

Si l’on regarde les chronos de Kemboi lors des grands championnats, on constate que la plupart du temps, en-dehors de la course des championnats du monde de Berlin en 2009, ses victoires sont obtenues dans des temps modestes, à des allures où personne n’a été en mesure de l’inquiéter grâce à son finish. A Rio, Conselius Kipruto a choisi la bonne tactique : une allure très rapide (sur les bases de moins de 8’) et ce le matin, par forte chaleur. Ces conditions de course ont eu raison de Kemboi, certes un peu vieillissant, en l’usant et en ne lui permettant pas de rester avec les hommes de tête pour le dernier tour où il aurait pu placer son accélération meurtrière.
La course de Monaco en 2011 avait d’ailleurs montré ses limites chronométriques. On peut y voir un Kemboi grimaçant à fond dans le dernier tour et surclassé par Kipruto qui termine sous les 7 :55 .00 .

Kemboi n’était probablement pas capable de courir en moins de 7 :55.00 mais par contre capable de pulvériser tout le monde dans une accélération démentielle lorsque les courses se déroulent sur des base de 8 :05 à 8 :15 !

Le registre de course de Kemboi.

Kemboi, n’a malheureusement quasiment jamais abordé sérieusement les distances périphériques –références du 3000 mètres steeple : le 3000 mètres, le 1500 mètres, le 5000 mètres. Il présente donc, comparativement aux autres grands noms du steeple mondial, des références ridicules pour un coureur de son niveau.
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Le meilleur est incontestablement Moses Kiptanui. Il est le seul, avec le phénoménal Henri Rono 8 :05.4 en 1978 à avoir détenu à la fois le record du monde du 3000 m steeple et des records du monde sur des distances sur le plat ( Rono celui du 3000 mètres, du 5000 mètres et du 10000 mètres – un exploit unique ). Kiptanui a d’abord abaissé le record du 3000 mètres, le faisant passer de 8 :05.35 à 8 :02.08 en 1992 puis à 7 :59.18 en 1995 tout en détenant les records du monde du 3000 mètres en 7 :28.96 en 1992 (record battu par Nourredine Morceli en 1994 avec 7 :25 .11) et le record du monde du 5000 mètres avec 12 :55. 30 en 1995 (record battu par Hailé Gebrselassié la même année en 12 :44 .39).

A l’image de Kiptanui ou de l’ancien recordman du monde Henri Rono et du registre de course des meilleurs sur la distance, on peut affirmer que le coureur de steeple est un coureur particulièrement complet :
– Il doit être rapide : Tahri, Mehkissi, Jager, Shaheen, Kiptanui, Kipruto présentent des chronos de valeur internationale sur 1500 mètres.
– Posséder une grande capacité dans le domaine aérobie (Shaheen, Kiptanui, Boulami, Koech sur 5000 mètres, Tahri sur 10000 mètres)
– Etre endurant : voir les chronos de Barmasai et Wilson Boit Kipketer sur le marathon.
– Etre à l’aise dans les labours (les steepleurs sont souvent des crossmen de grande valeur) car le steeple demande d’être capable de changements d’allure, de relances avant et après les barrières, de replacements bien plus que sur les distances classiques sur le plat.

On peut supposer que si Kemboi s’en était donné la peine, il aurait pu largement être dans les chronos réalisés par ses adversaires avec des chronos de l’ordre de 3 :33 sur 1500 mètres, 7:30 sur 3000 mètres et 13:00 sur 5000 mètres

Evolution des carrières des grands coureurs de steeple

Le tableau suivant présente l’évolution des performances des grands leaders du steeple au cours de leur carrière. Beaucoup ont des durées de carrière au haut niveau supérieures à 10 ans (allant jusqu’à 15 ans pour Kemboi et Koech). Cette longévité montre que le steeple nécessite une grande expérience et maîtrise basées sur un apprentissage technique pour éviter les fautes sur les barrières en fin de course où vitesse et fatigue conjuguées sont les éléments clefs qui vont déterminer les podiums.
Ces coureurs n’ont pas choisi le steeple par défaut, car ils auraient pu jouer les premiers rôles dans d’autres disciplines mais ils ont choisi la discipline la plus difficile, la plus spectaculaire et une des plus indécises dans son déroulement
Durer plus de 10 ans au plus haut niveau démontre de la part de ces coureurs une grande robustesse physique et des qualités hors normes : être très coordonné pour maîtriser les franchissements de barrière, ne pas avoir peur à l’approche de la rivière, coincé dans un peloton où l’on frotte et pousse; Ces qualités ne sont pas données à tout le monde.

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Alors Kemboi est –il le meilleur des coureurs depuis l’instauration des championnats du monde ?
S’il est difficile de faire des comparaisons entre les coureurs d’époques différentes, il est clair que des coureurs comme Gaston Roelants – Belgique – (5 fois en tête des bilans dans les années 60, recordman du monde champion olympique en 1960 à Tokyo) ou Anders Gärderud – (4 fois en tête des bilans dans les années 70, recordman du monde champion olympique en 1976 à Montréal) mériteraient aussi de figurer dans le panthéon des grands coureurs steeple.

MON CLASSEMENT PERSONNEL

Pour la période 1983 – 2016, mon classement, tout à fait subjectif par ailleurs, est le suivant :
. 1ER  : Kemboi : un palmarès unique !
. 2ème : Kiptanui : il ne lui manque que le titre olympique mais quel talent et quel spectacle (Zürich 1995 – sous les 8’)
. 3ème : Shaheen : des chronos de très haut niveau à foison et une domination sans égale entre 2002 et 2006
. 4ème : Kipruto B. : des podiums et un magnifique chrono.
. 5ème : Mekhissi : ses 3 podiums aux JO, ses deux podiums mondiaux , sa domination européenne avec ses trois titres européens ( 4 devrait on dire )
. 6ème : Kosgei R. : victoires aux JO et aux monde et un beau chrono
. 7ème : Matelong : des podiums dans les grands championnats
. 8ème : Koech P : beaucoup de beaux chronos pendant 15 ans mais pas de titre
. 9ème : Sang : 3 fois deuxième
. 10ème : Ezzine : pour ses podiums et Bob Tahri pour sa présence parmi les meilleurs au plus haut niveau pendant 10 ans

Quel sera l’avenir ?

C’est très certainement Kipruto Conseslus, le champion olympique de Rio, le seul capable, avec l’américain Jager de descendre sous les 8’. Mais pour durer il lui faudra non pas suivre la voie se Shaheen mais celle de Kemboi, en affirmant ses qualités .
Ce qui a fait de Kemboi le meilleur coureur de steeple de tous les temps c’est une confiance inébranlable en ses moyens et sa certitude de pouvoir battre n’importe qui…

> Analyse réalisée par Jean Claude VOLLMER

> Photos : Gilles Bertrand

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Ezekiel Kemboi dans les bras de Mekhissi à Londres en 2012. Une image qu’on aurait aimée revoir à Rio !!!