Asbel Kiprop est apparu en grande difficulté sur la piste de Monaco, sur laquelle il avait tant brillé l’année dernière, s’approchant à 69 centièmes du record du monde. Cette fois, le Kenyan, invaincu en Diamond League depuis 2010, s’est retrouvé à la peine, pour finir 7ème seulement. Un échec qu’il a justifié en pointant du doigt les variations d’allures, mais surtout les problèmes causés par l’interpellation au Kenya de son manager, Federico Rosa, qui avait à nouveau été placé en prison le jour même du meeting.
Le visage est défait. Les yeux légèrement hagards. Asbel Kiprop accuse le coup de sa défaite. Il ne l’avait plus connue depuis les JO de Londres, où il se présentait champion olympique en titre, mais blessé. En Diamond League, il ne l’avait plus vécue depuis 2010, et il demeure invaincu en Championnat du Monde depuis 2011.
C’est vrai, de temps en temps, Asbel Kiprop ne pointe pas en première position. Toujours dans des courses effectuées au Kenya, et sur des distances inédites pour lui. Comme en février, où il se teste à Mumias sur 5000 m, et finit second (13’48’’43). Ou en mars, à Nakuru, où inscrit sur 800 m en préparation, il est classé 3ème en demi-finale.
Mais cette soirée monégasque le voit terminer en 7ème position, et battu par tous ses grands rivaux, Taoufik Makhloufi, en pleine renaissance, Mo Farah, mais aussi par un incroyable Iguider et ses deux jeunes compatriotes du Kenya, Manangoi et Kwemoi, qu’il avait pourtant étrillés aux Trials.
Un échec rendu encore plus cuisant par le souvenir de sa brillance sur cette même piste de Monaco, il y a tout juste une année. Il passait alors à un souffle du record du monde de Hicham El Guerrouj, 69 centièmes très exactement… Avec dans sa foulée, tous ces athlètes qui le dominent aujourd’hui.
Asbel Kiprop perturbé dans sa préparation
A quelques semaines du rendez-vous olympique, Asbel Kiprop ne veut pas afficher trop ouvertement ses doutes, et préfère se raccrocher à quelques repères qui le rassurent un petit peu. Comme cette marque de 1’49’’95 au premier 800 mètres qu’il répète à l’envie à tous les micros qui se tendent pour démontrer qu’il a bien dans les jambes cette allure, qui correspondrait à un chrono final de 3’24’’. Il souligne que le ralentissement au dernier 400 mètres lui a nui, et surtout dans les derniers 200 mètres, où le peloton revient de l’arrière, insistant aussi sur la gêne provoquée par le grand nombre de coureurs : « Cela faisait beaucoup de monde capable de revenir de l’arrière ».
Il reste qu’il a subi cette course d’une manière très inhabituelle, et propice à susciter une certaine inquiétude à quatre semaines des JO. Et Asbel Kiprop n’hésite pas à justifier son absence de réactivité par les soucis que lui provoque l’affaire Federico Rosa, son manager, interpellé par la police kenyane, libéré sous caution, puis à nouveau incarcéré, le matin même du meeting.
Asbel Kiprop ne le dissimule pas, cette situation le perturbe : « Oui, cela m’a beaucoup dérangé dans ma préparation. J’ai perdu trois jours d’entraînement. Je suis allé à Nairobi, pour le voir et témoigner. » Un témoignage entièrement favorable à Federico Rosa, il s’est engagé vigoureusement à ses côtés pour le laver de tout soupçon de dopage à son encontre.
La sérénité d’Asbel Kiprop a été très entamée, il a ainsi pris à parti le site américain de « FloTrack », qui avait illustré un sujet sur le dopage au Kenya avec sa photo, s’estimant injustement mis en cause. Le sujet évoqué concernait d’ailleurs le reportage de l’ARD, la télévision allemande, dévoilant des pratiques douteuses de médecins kenyans à Eldoret.
Le dopage, une grosse affaire au Kenya
Le contexte est particulièrement difficile au Kenya, comme me l’explique Stanley Chesiboi, du quotidien « The Star Newspaper » : « Le dopage est une grosse affaire au Kenya. On la retrouve dans les télés, dans les journaux. »
Avec en réalité, deux affaires actuellement sous les projecteurs. Le « cas »Rosa et le documentaire ARD. Pour ce qui concerne Fédérico Rosa, ce sont les accusations portées par Rita Jeptoo et Elijah Boit, qui ont provoqué son retour en détention. Mais comme le souligne Stanley Chesiboi : «Boit accuse Rosa. Il dit qu’il a été testé positif il y a quelques années par la faute de Rosa. Mais il n’apporte pas de preuves…. »
Et la suite du sujet « ARD » ne lui paraît pas beaucoup plus limpide, admet-il : « Au journal, nous avons rencontré Frederich, le pacemaker présenté dans le sujet, il dit qu’il a été dupé par les journalistes. Mais on le voit bien sur les caméras se rendre chez le médecin douteux… Nous avons aussi vu Mc Donald, le coureur écossais, qui est cité dans le sujet. C’est un ami de Fredererich, il dit que c’est lui qui l’a présenté aux journalistes. Et Frederich dit le contraire. Tout cela est un peu trop confus… »
Démêler le vrai du faux dans toutes ces affaires compliquées risque de prendre du temps. Pour aboutir sur quelles décisions ??? Il n’est pas aisé de le savoir. Mais les conséquences de ces épisodes sur les athlètes seront réelles, et Stanley Chesiboi souligne : «Ce sera surtout difficile pour les jeunes athlètes en devenir. Comment pourront-ils continuer à courir à l’étranger ? »
Pour ce qui concerne les athlètes qualifiés pour les JO, Stanley Chesiboi préfère positiver en restant sur l’idée que ces accusations de dopage vont les motiver pour prouver leurs capacités à Rio, comme le déclare Asbel Kiprop. Mais il reste que sa démonstration monégasque dit plutôt le contraire…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand