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Analyse : Tison, Bosio, Muller, meilleurs cadets en 2013. Et maintenant ?

Y a-t-il une vérité en athlétisme quand vient le moment de prédire le futur de jeunes talents ?? Nullement. Tous les observateurs le savent bien. Les potentiels physiques évoluent parfois étrangement, les péripéties de la vie, les orientations choisies tissent aussi des destins divers et variés. Les parcours de Quentin Tison, Alexis Bosio, Lucas Muller le confirment encore. En 2013, ils étaient les meilleurs cadets sur le 1500 mètres. Cette année, ils fêtent leurs 21 ans, et pointent dans la catégorie espoirs. Avec quels résultats ???

 

 

TISON QUENTIN

Quentin Tison, bientôt professionnel

C’est depuis l’hôtel Ras El Ma à Ifrane que Quentin Tison répond à mes questions sur son parcours de ces quatre dernières années. Le Nordiste a mis le cap au Maroc pour un stage de quatre semaines, en guise de préparation pour la saison estivale, qu’il débutera en mai avec les interclubs, puis le meeting de Oordegem en Belgique. Le jeune athlète est devenu un familier d’Ifrane, sur les conseils de son entraîneur Brahim el Ghazali, qui a grandi à proximité. L’année dernière, grâce à son manager Hussein Makkei, il avait aussi mis le pied en Ethiopie pour un long séjour de 33 jours, avec comme base de vie, l’hôtel de Gebre, squatté par les meilleurs athlètes du monde, il a ainsi pu y côtoyer Mo Farah en toute décontraction.

Il l’avoue, ces voyages, ces stages, ces contacts comptent beaucoup pour lui, et il y puise la motivation pour poursuivre le parcours qu’il a débuté d’abord par le titre de champion de France de cross cadet UNSS puis par celui sur le 1500 mètres. Deux médailles d’or conquises surtout sur le talent, comme il le reconnaît : « Je ne m’étais pas entraîné pour ça, J’ai eu le titre sur les qualités plus que sur du travail » Il se limite alors à 2-3 fois par semaine car en difficulté pour mener études au lycée et entraînement. Jeune, il a été aussi plus attiré par le foot, il a même tenté les expériences dans les grosses équipes de la région nord, Valenciennes puis Lille.

Mais le foot se voit supplanté par l’athlétisme. Au fil du temps, l’ambiance des vestiaires lui apparaît pesante, et surtout Brahim El Ghazali travaille dur pour le ramener vers la piste… L’ancien athlète (il valait 3’37’’28 et 1h03’ au semi), converti en entraîneur, a compris qu’il tenait un joyau, et a su le convaincre d’oublier le ballon rond. Quelques chronos bien placés, un stage, la découverte en spectateur du Championnat du monde cadets à Lille le font définitivement basculer en 2012.

Une année 2014 difficile, puis le come back

Pourtant le chemin ne sera pas toujours rectiligne. Surtout l’année du Bac, en 2014, où il n’arrivera pas à décrocher le ticket espéré pour le Mondial juniors, et il devra se contenter d’une place de vice-champion de France du 1500 m junior.

Mais dès la saison suivante, Quentin retombe sur ses pattes, à la faveur d’un emploi du temps plus malléable grâce à ses études en STAPS à Valenciennes. Et l’émotion est grande à Montbéliard début juin 2015, lorsqu’il se propulse en 3’42’’07, nouveau record personnel, et synonyme de qualification pour les Europe, qu’il terminera à la 9ème place. Un moment fort qu’il garde en mémoire, il marque la fin de cette période de doute après une année compliquée, et signe aussi le résultat de son travail.

Car si à ses débuts, Quentin a réussi sur son seul talent, il s’est mué en gros travailleur, et il résume la situation : « Au départ, j’étais assez fainéant, je faisais juste le minimum. Maintenant, je n’aime pas rien faire, j’aime beaucoup m’entraîner » Et oui, il l’avoue : « Il faut me freiner, j’en veux toujours plus et parfois la dose n’est pas satisfaisante à l’entraînement». Les quantités ont pourtant augmenté progressivement au fil des années, pour atteindre maintenant les 12 entraînements hebdomadaires.

Avec en corollaire, une progression linéaire, et un gros bond en avant en 2016, il descend son record de 3’42’’07 à 3’39’’60, ce qu’il explique de manière très simple : « J’aurais dû faire mieux que 3’42’’07 en junior. Je n’ai pas eu les courses pour y réussir, et j’ai arrêté ma saison pour partir en vacances… Je n’étais pas assez professionnel au niveau de l’athlé ». Une attitude qu’il a fait évoluer de manière radicale : « Maintenant j’essaie d’être pro quand je suis en stage ou meeting. De faire comme les grands athlètes : faire la sieste, manger correctement, s’entraîner, s’hydrater. »

Dès l’automne, il veut devenir, lui aussi, un professionnel de l’athlétisme. Sa licence STAPS Management en poche, il va tenter l’aventure de se plonger exclusivement dans l’athlé « pour voir ce que ça donne ».

D’ici là, il espère avoir atteint ses objectifs, un nouveau record sur 1500 m, une qualification pour les Europe Espoir, et, aussi, tout au fond de lui, le rêve fou de se qualifier pour le Mondial de Londres. Il lui faudrait alors améliorer sa meilleure marque de 4 secondes, ce qui est énorme. Malgré tout, Quentin y travaille, même si cet hiver lui a joué un mauvais tour, avec une fracture de fatigue sur le sacrum qui a perturbé sa saison de cross, l’entravant pour le France de cross court qu’il a subi pour finir 44ème seulement.

Un coup dur, pour rappeler que les aléas ne manquent pas dans l’athlétisme. Comme le souligne Quentin en se retournant sur cette période cadets-espoirs : « Maintenant c’est différent, je n’ai plus les mêmes adversaires que chez les cadets. Certains sont très forts en jeunes, et plus en seniors. Chacun fait sa vie ! »

Texte : Odile Baudrier-Photo : D.R.

Lucas Muller, l’arrêt brutal

Gilles Garcia, et une partie des athlètes de son groupe demi-fond

Lucas Muller, à droite, en 2015, au milieu du groupe de Gilles Garcia à Montpellier

Près de deux ans ont passé depuis ma dernière rencontre avec Lucas Muller, lors d’un sujet sur le groupe d’entraînement managé par Gilles Garcia à Montpellier. Le jeune athlète faisait alors figure « d’ancien » dans ce groupe, il l’avait intégré depuis déjà quatre ans, avide de quitter son Rodez natal, où il avait débuté l’athlétisme, en accumulant les titres régionaux, et un titre national en minimes scolaires. Et c’est finalement à Rodez que je retrouve Lucas, qui a brutalement tourné la page de l’athlétisme en mai 2015. Non, le terme n’est pas exact, rectifie-t-il : « Je n’ai pas arrêté sur un coup de tête. Je n’avais plus envie. Je ne progressais plus. Je faisais de bons entraînements, mais en compétition, ça ne passait pas… »

Le jeune Lucas avait pourtant démarré l’athlétisme en beauté, il décroche la 3ème place au France cadets dès 2012, renouvelle en 2013 en s’adjugeant aussi la 2ème place sur 800 m au France en salle. Mais cette marche en avant se voit stoppée après qu’il ait été victime, fin 2013 durant un entraînement, d’un pneumothorax qui l’expédie en urgence à l’hôpital. Dès lors, les choses se sont déréglées, et Lucas n’arrive pas vraiment à les recaler : «A partir de ce moment-là, les perfs sont devenues moins bonnes, c’était inférieur à mes attentes. J’ai continué 1 an et demi environ. J’ai tenté de passer sur le steeple, sans succès ».

L’aventure de l’athlétisme s’interrompt le 24 mai 2015, au 2ème tour des interclubs, sur un chrono de 9’32’’90, il avait réussi 9’29’’27 pour ses débuts 15 jours plus tôt. Lucas se situe bien loin de ses espérances, celles d’une qualification pour le Championnat d’Europe Junior. Ces performances en dedans se produisent à quelques semaines à peine du bac, et le précieux sésame obtenu, il fait le choix de quitter Montpellier pour revenir dans sa ville natale de Rodez. Il y tente une formation en STAPS, travaille quelques mois dans une entreprise de e-commerce, puis comme surveillant au Lycée, et il tâtonne pour trouver sa future voie.

La page est tournée, il reste de bons souvenirs

La page de l’athlétisme est maintenant belle et bien tournée. Comme il me le confie : « Au début, je suivais les résultats des athlètes du groupe. J’ai aussi gardé quelques contacts avec le coach. J’avais une bonne relation avec Gilles Garcia, il n’était pas seulement un entraîneur, il m’aidait toujours. Mais maintenant, j’ai coupé les ponts… »

Le temps a passé, Lucas a même du mal à se rappeler vraiment son podium cadet de 2013. Mais il se souvient bien de son état d’esprit de l’époque : « Je voulais gagner des courses. Je m’amusais en gagnant. Si je ne gagne pas, cela ne m’intéresse pas ! » Et il admet : « J’ai cru que ça allait venir vite. J’aimais bien m’entraîner. Après mon problème de santé, ça s’est compliqué, je ne gagnais plus. Et voir du monde qui passe devant soi, c’est dur à vivre… »

Deux ans après son arrêt, il analyse aussi que le problème se situait surtout au niveau mental : « Je n’avais plus envie ! Je n’étais plus dans l’optique de m’entraîner tous les jours. Je voulais changer d’air ».

Peut-être aussi le contrecoup d’un parcours incurvé très tôt vers l’athlétisme, puisqu’il s’installe à 15 ans, au CREPS de Montpellier, pour son année de 3ème, avide de réussir dans ce sport. Au fil du temps, ce précurseur voit le groupe de Gilles Garcia s’étoffer, et s’en réjouit : « On avait de beaux exemples avec Léo Morgana, Anouar Baraka… On avait un vrai groupe solidaire, c’est ce qui a fait notre force, pour des podiums au France de cross. Et puis, chacun a pris des voies différentes. Et on ne se voit plus du tout…»

Malgré tout, Lucas veut conserver un regard positif sur ce parcours montpelliérain, insistant : « Je garde des bons souvenirs et des déceptions. Mais il faut surtout garder les bons souvenirs car ces années-là ont permis d’avancer » Et il l’avoue également : « Parfois, ça me manque. Surtout si je vois des vidéos avec de belles courses… »

> Texte : Odile Baudrier-> Photo : Gilles Bertrand

Alexis Bosio, INSA et performances

Le parcours d’Alexis Bosio après sa 2ème place au France cadets sur 1500 m en 2013, premier podium national de sa carrière, a brillé de plusieurs titres de champion de France junior, avec surtout dès l’année 2014, celui sur 1500 m et sur 800 m en salle. Puis à nouveau le titre junior sur 1500 m en 2015. Mais sur le plan chrono, son record sur 1500 m demeure à 3’48’’61 depuis 2014. Alexis Bosio a intégré l’INSA Lyon.