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SUB 2, moins de 2 heures sur marathon, un projet fou

Le Britannique Yannis Pitsiladis est l’homme qui a permis à Kenenisa Bekele de réussir son come back sur marathon, à Londres, qu’il a bouclé en 2h06’36 ». Le chercheur britannique s’était fait connaître avec son projet fou, SUB 2, qui vise à amener un homme sous les 2 heures sur marathon, et ce serait possible selon lui en 2020. A condition qu’il réunisse 30 millions de dollars pour financer son initiative, qui reçoit déjà nombre de critiques.

 

Kenenisa Bekele a retrouvé la réussite à Londres, grâce à Yannis Pitsiladis

Kenenisa Bekele a retrouvé la réussite à Londres, grâce à Yannis Pitsiladis

Le nom de code est simple et sans détour. SUB 2. Pour un chrono sous les 2 heures au marathon. A 48 ans, Yannis Pistiladis s’est lancé fin 2014 dans ce projet fou. Juste après le record du monde de 2h2’57’’ établi par Denis Kimetto, qui poussait à rêver sur ces 2 minutes à gommer pour effacer le mythe des 2 heures.

L’initiative avait eu à peine le temps d’éclore qu’éclataient les scandales du dopage parsemant l’année 2015, repoussant quelque peu ce fantasme, et disparaissait des radars médiatiques jusqu’à ce que le « New York Times » ne consacre récemment deux articles du quotidien et du web au projet de Pitsiladis. La collaboration réussie avec Kenenisa Bekele n’y est évidemment pas pour rien, le Britannique a pu permettre à l’Ethiopien de venir à bout de son 3ème marathon deux ans après ses débuts brillants à Paris, avec 2h05’04’. Après des mois de blessures, cette fois, il a retrouvé l’excellence à Londres qu’il boucle en 2h06’36’’ et à la 3ème place derrière un exceptionnel Eliud Kipchoge.

Yannis Pitsiladis fourmille d’idées

Pour mener son SUB 2, Yannis Pitsiladis est devenu un habitué de l’Ethiopie en quête du talent qu’il pourrait transformer en cobaye de son expérience. Il sillonne aussi la Mer Morte en Israël, convaincu que ce lieu où l’oxygène est plus élevé pourrait constituer le meilleur lieu d’entraînement pour son marathonien.

Yannis Pitsiladis tâtonne, et travaille à 360 degrés. Son site internet l’énonce d’ailleurs clairement, il veut travailler des scientifiques dans tous les domaines, la nutrition, la biomécanique, la génétique, l’efficacité de course, l’entraînement, la stratégie de course, la médecine sportive.

Pèle mêle, il distille dans ces deux articles quelques pistes de réflexion. Une chaussure minimaliste formée d’un simple film couvrant la plante de pied. Par ricochet, il envisage que le premier SUB 2 serait un jeune Ethiopien habitué à courir pieds nus.

Un textile intelligent conçu pour la course à pied, qui fournirait en temps réel des informations comme la composition de la sueur, le rythme cardiaque, la température du corps. Et pourquoi pas une nanotechnologie intégrée dans le vêtement pour réchauffer ou refroidir le corps si nécessaire.

Une nouvelle méthode d’hydratation pendant la course, avec l’utilisation d’un sac plutôt que d’une bouteille, pour éviter de perdre quelques secondes, ou encore le remplacement de la boisson par un simple rincement de la bouche avec une solution riche en glucides, ce qui stimulerait le cerveau et pousserait les muscles à travailler plus dur.

Un travail sur les gènes de chaque coureur, afin de concevoir un programme d’entraînement complètement individualisé basé sur la réponse de ses bio-marqueurs, au moment où le coureur atteint son seuil de lactate. Ou encore de déterminer quels sont les gènes qui signalent la déshydratation ou les dégâts sur les muscles.

Des idées nouvelles ???

Des pistes étonnantes et novatrices, mais pour d’autres axes, il est plus choquant de voir Yannis Pitsiladis présenté comme le premier chercheur à les découvrir. Ainsi pour le volume d’entraînement, qu’il veut revoir en s’interrogeant pour savoir si 75 miles ne suffiraient pas à certains marathoniens, au lieu des 120 miles qu’il présente comme la règle. Ou pour l’altitude, il assène ainsi que les coureurs suivraient le principe du «  Vivre en altitude, s’entraîner en bas », qu’il veut remettre en cause, alors qu’en réalité, durant leurs stages, les coureurs quittent rarement l’altitude.

Comme il prétend avoir compris que l’objectif des 2 heures sera plus facile à obtenir en bombardant l’organisme avec du glucose, ou encore que le marathon doit se courir en negative split. Autant d’innovations déjà bien connues de tous…

Pour aborder le projet de sa vie, Yannis Pitsiladis s’est appuyé sur une certitude : « Nous ne savons pas grand-chose de la science de l’entraînement. Je veux vraiment dire rien. »

Ces propos n’ont pas manqué de choquer la communauté des chercheurs du monde entier. Et le Sud Africain Ross Tucker a mené la fronde pour s’opposer au Britannique. En s’appuyant surtout sur le fait que les coureurs de l’Afrique de l’Est bénéficient déjà d’un entraînement de top niveau, de conseils scientifiques, et qu’ils comptent des décades d’expériences, et des incitations financières énormes.

Ross Tucker s’oppose à Yannis Pitsiladis

Pour Ross Tucker, le chercheur britannique s’inscrit dans une démarche marketing, avec un objectif complètement irréaliste d’ici 2019, à moins de placer des ressorts dans les chaussures ou de recourir au dopage… Un élément que Yannis Pitsiladis refuse complètement, car SUB 2 s’affiche comme un projet « clean ».

Cependant au milieu de l’année 2016, SUB 2 demeure encore une utopie, les fonds manquent, Yannis Pitsiladis a besoin de 30 millions de dollars pour déployer les moyens nécessaires. Mais la performance de Kenenisa Bekele à Londres et l’exposition impressionnante dans un quotidien comme le New York Times pourraient changer la donne.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand