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Samir Dahmani, le pare feu de Clémence Calvin

Samir Dahmani a franchi la ligne rouge lors du contrôle anti-dopage de sa compagne, Clémence Calvin, en s’interposant sur les préleveurs pour lui permettre de s’enfuir. Le jeune spécialiste du 1500 mètres, également entraîneur de sa compagne, risque gros pour cette obstruction. Pourtant il soutient officiellement que ce contrôle n’a pas eu lieu.

Rarement contrôle anti-dopage aura été aussi complexe que le tout récent de Clémence Calvin. Complètement rocambolesque entre la jeune femme qui part en courant et son compagnon qui s’oppose physiquement aux préleveurs pour faciliter sa fuite…

Une situation compliquée qui pourrait déboucher sur une double suspension de 4 ans, pour soustraction pour Clémence Calvin, pour falsification pour Samir Dahmani (cette dénomination correspond au fait de créer un obstacle… ou de se livrer à une conduite frauduleuse afin de modifier des résultats ou d’empêcher des procédures normales de suivre leur cours).

Et Samir Dahmani pourrait aussi être mis en cause sur le plan pénal, pour un geste violent à l’encontre des personnes de l’AFLD présentes pour effectuer ce contrôle. A-t-il ceinturé Damien Ressiot, le patron du département des contrôles, ou Olivier Grondin, le préleveur de l’AFLD ? Les sources divergent, mais il reste que son attitude est passible d’un signalement auprès du Procureur de la République. Avec une petite réserve, les faits ont eu lieu à l’étranger, la loi française s’applique-t-elle bien ??

Olivier Grondin, un préleveur confirmé

Samir Dahmani a ainsi pu exonérer Clémence Calvin d’un contrôle, et ses affirmations répétées que ce contrôle n’a pas eu lieu visent à créer un contexte trouble autour de cette affaire. Un pari osé à considérer qu’il avait face à lui trois personnes assermentées, et en particulier Olivier Grondin, l’un des plus anciens et plus réputés préleveurs de l’AFLD. L’homme est rôdé aux situations délicates pour avoir aussi travaillé sur le Tour de France, pour l’IAAF, pour l’AMA, pour laquelle il avait effectué un audit sur le Tour de France en 2010. C’est lui qui avait réussi un contrôle difficile pour obtenir une mèche de cheveux de Lance Amstrong, en 2009, lors de son come-back sur le Giro et le Tour.

Par ce geste, Samir Dahmani cherchait à protéger autant sa compagne que son « élève », puisqu’il est officiellement l’entraîneur de Clémence Calvin depuis 2012. Il prenait alors la suite de Nordine Ghezielle, son entraîneur depuis ses débuts, et qui avait géré Clémence Calvin à partir de son arrivée à Martigues en 2010. Quelques années plus tard, Nordine Ghezielle prenait en charge Laila Traby, qui allait tomber pour dopage fin 2014, officiellement après la fin de leur collaboration.

Samir Dahmani, un entraîneur auto-formé

Au championnat de France d’Angers 2012, l’annonce que Samir Dahmani exerçait la fonction d’entraîneur de sa compagne créait une certaine surprise. Le jeune homme n’avait alors que 21 ans, et n’apparaissait nullement formé à l’entraînement. Certes un athlète acquière au fil des années une véritable expérience de l’entraînement à travers sa propre pratique. Mais dans le cas de Samir, on parle d’un spécialiste de 800-1500 mètres, et pour Clémence, d’une coureuse de cross et 5000 mètres, montant par la suite sur semi et marathon. Autant dire qu’un océan sépare ces deux univers.

Une situation surprenante qui se voyait très souvent commentée par divers entraîneurs et athlètes, avec cette question en filigrane : « Qui est le véritable entraîneur ? » Sans que, à ce jour, personne n’ait vraiment pu répondre à cette question. Plusieurs noms ont circulé, mais la seule piste tangible tournait autour du Docteur Gabriele Rosa. Dès 2014, circulait cette rumeur, sur la base de remarques entendues sur le stade de Martigues durant les entraînements de Clémence. Puis en avril 2016, la jeune femme apparaît en photo sur le compte Facebook de « Rosa Associati », avec la mention d’un séjour en Italie et de son utilisation de la technique de récupération « Indiba ». Fin 2016, le Docteur Gabriele Rosa me confirme lors du marathon de New York qu’il a effectivement entraîné Clémence Calvin, et que la collaboration est achevée.

Gabriele Rosa, coach pendant 15 jours ??

Mais Clémence Calvin réfute complètement ces éléments. Lors d’une conversation menée quelques jours après la publication du sujet sur le problème du record du 5 kilomètres, elle me fournit sa version : le Docteur Rosa ne l’aurait entraînée que 15 jours au printemps 2016. Ou plutôt il lui aurait fourni des plans sur deux semaines. Et selon elle, c’est à la suite de cette charge très lourde, sans récupération, qu’elle aurait connu une deuxième crise de zona, et un échec au 10.000 mètres de Palo Alto.

Il demeure évidemment difficile de démêler le vrai du faux dans tout cet imbroglio. Officiellement, Samir Dahmani est le seul coach de Clémence depuis 2012. Un petit exploit à considérer qu’il mène en parallèle une carrière de haut niveau, avec 8 sélections en Equipe de France.

Dahmani, les chronos en dents de scie

Les débuts du jeune athlète de Martigues ont été brillants, avec les records de France cadets et juniors du 800 mètres en 2008 et 2010.  Il évolue alors sous la houlette de Nordine Ghezielle. Mais Samir Dahmani connaît ensuite plusieurs saisons délicates, 2012 et 2013 pratiquement sans compétitions, 2014 « off ». Ce n’est que lorsqu’il intègre à partir de 2015 le groupe d’entraînement de Philippe Dupont à l’INSEP, où il retrouve Mahiedine Mekhissi, Taoufik Makloufi, que les performances reviennent avec 3’37’’05 sur 1500 m en 2015 et 1’44’’07 sur 800 m en 2016. Mais ses résultats demeurent en dents de scie, avec souvent une seule grosse performance par an.

Les termes du contrat signé avec Nike alors qu’il n’était encore que junior témoignent des espoirs placés dans ce jeune talent si prometteur, avec un montant de 60.000 euros sans réduction pendant 5 ans. Mais finalement, il accèdera une seule fois au Mondial, en 2017, et jamais aux Jeux Olympiques…

Les multiples mensonges

L’épisode du contrôle de Clémence Calvin au Maroc dévoile un Samir Dahmani capable du pire pour la protéger. Comme les mensonges sur la localisation exacte de la jeune femme, qu’il dissimule jusqu’à la Fédération. Comme l’affirmation qu’aucun contrôle AFLD n’a eu lieu. Comme le geste violent sur le préleveur.

Samir Dahmani joue sur les mots. Et veut prendre tous les risques. Mehdi Baala, responsable à la FFA des athlètes d’élite, et très proche du couple, a bien tenté de le raisonner, en lui expliquant qu’il paraissait difficile de comprendre qu’il n’avait pas vu les trois personnes assermentées. Mais Samir Dahmani n’a rien voulu entendre… Cette obstination pourrait lui coûter très très cher.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand