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Mexico 68, Jacky Boxberger, un junior en transe

6ème aux J.O. de Mexico sur 1500 mètres alors qu’il n’a que 18 ans, cela reste le fait marquant de la carrière de Jacky Boxberger décédé tragiquement à l’âge de 52 ans en 2001. Flash back sur l’année 68 – 69 qui laissait entrevoir une carrière exceptionnelle pour cet athlète hors du commun.

 

« Quant à Boxberger qui est encore junior, c’est l’inconnu. Il a une classe gigantesque et est incontestablement le meilleur junior mondial actuel. Mais il peut être victime de son inexpérience, d’autant plus que les tentatives les plus folles ne l’effraient pas ».

Jackie Boxberger, un style puissant et généreux

Jacky Boxberger, un style puissant et généreux

Dans la preview rédigée à propos du 1500 mètres des J.O. de Mexico, voilà ce que l’on pouvait lire en page 8 du Miroir de l’Athlétisme. Quelques lignes sibyllines alors que le rédacteur s’attarde sur les chances de Jim Ryun l’annonçant imbattable pour le titre olympique même si le danger peut venir du kenyan Kip Keino avantagé par l’altitude. Il était bien vu d’aborder ce pronostic avec un brin de conditionnel car en finale, Kip Keino s’imposait en 3’34’’9 après un premier 400 suicidaire tourné en 56’’ et une attaque violente portée aux 800 mètres.

Dans cette finale, Jacky Boxberger termine sixième en 3’46’’6. Une révélation, un petit coup de grisou dans ces J.O. marqués par la médaille d’or de Colette Besson au 400 mètres, par le saut galactique de Bob Beamon mesuré à 8,90 m et par la révolte des sprinters noirs américains sur le podium du 200 et du 400 m.

Beau gosse au physique séduisant de jeune premier

Déjà à cette époque, on se méfie des juniors trop doués, qui ont mûri trop vite. On cite volontiers l’exemple de Jean Luc Salomon, champion de France de cross en 1963 mais qui se détourne de l’athlétisme pour se mettre dans la peau d’un pilote automobile. Alors les avis sont partagés à propos de ce gaillard de 18 ans, beau gosse au physique séduisant de jeune premier, né d’une famille nombreuse dans les Vosges. Un garçon que l’on qualifie déjà de distingué, de posé, d’une assurance réelle pour affirmer sa volonté de réussir dans l’athlétisme. Au physique musculeux après un passage sur les agrées et autre cheval d’arçon.

Certes il obtient un poste de secrétaire chez Peugeot en intégrant le club du FC Sochaux, mais ce n’est pas la vie dont il rêve. A 18 ans, il court plus vite que Michel Jazy, 3’40’’8, record du monde junior du 1500 mètres. Lorsque Stéphane Collaro lui consacre le premier reportage réalisé par l’ORTF, le titre s’impose de lui-même : «Le successeur de Jazy ». Son avenir lui semble donc tracé avec pour ambition finale : « disputer quatre Jeux Olympiques ».

Il possède déjà un nom de scène « Box ». Il ne doute pas, c’est tout au moins ce qu’il ressort des premiers jugements portés par les rédacteurs d’antan. Décontracté, décomplexé, c’est également sur ces aspects que portent les premières analyses sur cet athlète entraîné par Gaston Pretot, le mentor alsacien de toute une génération de coureurs. A ce propos, Box confiait au retour des J.O. : « Il faut se persuader que l’adversaire ne compte pas. Le fait d’accéder à la finale olympique a été pour moi la réalisation d’un rêve d’enfant. J’avais gagné le droit de côtoyer les plus grands noms de l’athlétisme mondial. J’avais alors beaucoup plus confiance en moi». Lorsqu’il pénètre sur le stade olympique le dimanche 20 août 1968 à 15h 30, l’enceinte est une étuve, il se souvient dans les colonnes du Miroir de l’Athlétisme : « J’ai eu l’impression de prendre des coups à l’estomac. J’avais la sensation d’écrasement que j’avais déjà connue lors de la cérémonie d’ouverture ».

En 1984, il sera néanmoins au départ du marathon à Los Angeles

Box est un vrai coureur de 15 mais curieux et avide de découvrir. Alors il garde un œil sur le 8, une distance qu’il ne craint pas pour se frotter, pour se fritter, c’est un battant. En gros progrès l’hiver 68 – 69, il confiait encore à Olivier Furon alors reporter au Miroir de l’Athlé : « En raison des progrès que j’ai réalisés en vitesse, je cours les séries de 4 x 200 m en 26’’5 au lieu de 28’’5, je tenterai ma chance sur 800 mètres. ». Pourtant, il « bouffe » des bornes et allonge le volume avec des séances de 15 km en novembre, puis 20 km décembre – janvier et 25 km en février. Sans le savoir, il se forge déjà un physique et un moral de marathonien. En 1983 puis en 1985, ne résistant aux sirènes financières de la route, il remporte le Marathon de Paris, établissant même un nouveau record de France, 2h 10’49’’ en 1985.

La saison 69 n’a pas encore débuté que Box se blesse. Les Europe pour confirmer Mexico, c’est à oublier. « Un stupide accident de mobylette dans les rues de Montbéliard qui faillit lui coûter la vie » comme l’écrit Olivier Furon. Opéré au Val de Grâce, les chirurgiens sous-estiment la nature d’une blessure qui, au final, handicapa sournoisement le Sochalien pour qu’il exprime son talent et réussisse la carrière dont il rêvait sur piste. Son vœu sera malgré tout  exhaussé « disputer 4 Jeux Olympiques ». En 1984, il sera au départ du marathon à Los Angeles qu’il termine à la 42ème place en 2h 22’00’’. Espoir déçu ? Non loin de là, tant la carrière de Box fut pleine et généreuse en cross avec 2 titres de champion de France et 8 victoires au Figaro, sur piste avec 5 records de France battus, ses 42 sélections internationales et quatre Olympiades dont celle sur marathon, la distance où il était peut-être le plus doué pour s’épanouir ?

> Texte : Gilles Bertrand

> Photo : archive Miroir de l’Athlétisme

> Voir le reportage diffusé en 1968 : cliquez ici