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L’impact de l’affaire Diack au Sénégal

L’affaire de corruption entachant Lamine Diack a provoqué des réactions très vives dans son pays, le Sénégal, en particulier après les informations reliant ses agissements à l’élection présidentielle de Macky Sall. Les révélations sur la mise en cause de ses deux fils, Pape Massata et Khalil, pour des chantages sur des athlètes russes et turques ont fait monter d’un cran l’hostilité des Sénégalais.

 

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Le Sénégal vit de manière intense l’énorme affaire de corruption entachant Lamine Diack, durant sa présidence de l’IAAF. Les premières révélations ont profondément choqué dans son pays, au point d’être accueillies par de véritables dénégations de la part de ses compatriotes, ulcérés qu’on puisse remettre en cause l’efficacité de son travail dans cette institution. En témoigne par exemple la réaction immédiate de Matar Ba, le Ministre des Sports du Sénégal, qui dès le lendemain de la mise en examen de Lamine Diack, réagissait en le désignant comme « un homme de valeur », et en insistant sur la solidarité et la confiance à lui conserver dans l’attente des suites judiciaires. Les propos étaient encore plus engagés du côté de Daouda Faye «Vava», ancien ministre, qui n’hésitait pas à prétendre via le site « lequotidien.sn » que les accusations étaient montées de toutes pièces, et n’obéissaient qu’à un seul objectif : « vilipender les Africains qui réussissent ».

Mais les donnes vont évoluer avec les informations relayées par « Le Monde », révélant mi-décembre que Lamine Diack a bel et bien avoué les faits de corruption, orchestrés, justifie-t-il, pour financer les élections législatives et présidentielle, qui s’est conclue par l’élection de Macky Sall. Les soubresauts politiques deviennent de suite énormes dans un pays où la corruption a été au cœur de la campagne électorale de 2012 entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, le président en place, justement mis en cause pour de tels faits, ainsi que son fils, (condamné d’ailleurs pour ce motif en mars 2015 à de la prison). La présidence de la République s’insurge immédiatement sur cette théorie, alors que les partis d’opposition interpellent Macky Sall pour lui demander justification de telles allégations.

Papa Massata Diack, serein malgré les accusations

Mais ce chaos à peine surmonté tant bien que mal, que déferlent de nouvelles informations contre les fils Diack. Avec d’abord le voile levé sur le rôle d’intermédiaire de Papa Massata, dans le dossier de la Russie. Et ensuite Khalil, mis en cause cette fois par une enquête parue sur « l’Equipe.fr », démontrant son implication dans le chantage exercé à l’encontre de l’athlète turque Asli Alptekin, pour lui extorquer des fonds en échange de la dissimulation des taux anormaux de son passeport biologique.

A l’annonce de cette double implication, la presse sénégalaise va se déchaîner contre les rejetons Diack, visiblement peu en odeur de sainteté dans leur propre pays. Plus d’une quinzaine de sites sénégalais vont ainsi pointer du doigt les agissements du duo, que le site « sen360 » désigne d’une manière très directe comme des « maîtres chanteurs ». L’attitude de Papa Massata Diack est particulièrement contestée. Le fils désigné par son père comme coupable dans les liaisons Russie/Sénégal, utilise une défense inattendue, celle de l’âge de son père, qui l’aurait amené à des déclarations erronées auprès du juge français.

Une telle parade suggérant la sénilité de Lamine Diack ulcère les Sénégalais, d’autant que Papa Massata Diack s’affiche détendu et serein dans un hôtel de luxe de la ville, visiblement nullement déstabilisé par les accusations portées à son encontre.

L’opposition demande la démission du Président Macky Sall

Ainsi Serigne Saliou Guèye, l’un des journalistes politologues les plus en vue au Sénégal, affiche une vive hostilité à Papa Massata Diack dans son dernier éditorial de l’année sur le site « senxibar.com », qu’il intitule « Lâchage et lâcheté », en reprochant au fils Diack son manque de soutien à son père et sa fuite face à la justice française très désireuse de l’entendre. Et le politologue n’oublie pas non plus au passage de rappeler l’embellie financière connue par l’IAAF durant la présidence du père Diack, avec des caisses contenant 76 millions de dollars à son départ en août dernier.

En cette fin d’année, la crise politique ouverte par l’affaire Diack se hisse, elle, à son pinacle avec un texte publié sur le site « xalimasn.com » sous la signature du Docteur Seck Mamadou, un opposant au régime en place, qui n’hésite pas à tout simplement réclamer la démission du Chef de l’Etat, Macky Sall, coupable d’être entaché par « l’argent sale du dopage russe ». Et la plume rageuse du Docteur Seck Mamadou, figure emblématique du PDS, exilé à Paris, déforme même le nom de Diack en « Diackleyey ».

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : IAAF