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L’Europe abandonne le Mondial de cross

Photo Gilles Bertrand

Photo Gilles Bertrand

 

Le Mondial de cross sera organisé ce dimanche à Kampala, capitale de l’Ouganda. Une compétition disputée désormais tous les deux ans et qui innove cette année en proposant un relais mixte. Pour autant, ce championnat du monde avec une forte représentation africaine est totalement boudé des nations européennes avec un seul pays, l’Espagne, ayant engagé une équipe complète. Décryptage.

 

L’Europe quitte le navire

L’Europe sera la grande absente de ce Mondial. En effet, seule une nation a fait l’effort de constituer une équipe complète. Il s’agit de l’Espagne avec 28 athlètes présents pour disputer ce championnat du monde dans les 5 courses.

pop up les crosseuxAu total, seuls 9 pays (soit 77 athlètes et 14% des engagés) ont envoyé une délégation avec une mention spéciale pour la Grande Bretagne inscrite en juniors hommes, seniors et juniors femmes. C’était le moins que puisse faire l’Anglais Sebastien Coe président de l’IAAF !

A titre de comparaison, lors du Mondial 2007 disputé cette année là au Kenya, 17 pays européens étaient présents. La France était inscrite dans les 4 compétitions dont une équipe complète chez les seniors hommes.

Aujourd’hui, le Mondial n’est plus une priorité pour les Européens, seuls les Europe de cross concentrent annuellement l’élite continentale avec plus de 60 pays présents comme ce fut encore le cas en 2016 à Chia en Sardaigne. La France avec seulement 3 athlètes (Freddy Guimard, Emmanuel Roudoulff Levisse et Alexis Phelut chez les juniors) qui ont embarqué ce matin pour Kampala ne fait pas exception au grand dam des traditionnalistes.

L’Afrique fortement représentée

Le doigt sur la couture, 33 pays africains soit 317 athlètes vont rejoindre Kampala pour disputer ce Mondial, un record jamais atteint.

La diplomatie africaine a fonctionné pour que ce Mondial propose une digne représentation du continent même si certains pays traversent de graves crises comme la Somalie et le Sud Soudan en proie à la guerre civile. Les grands absents restent également la presque totalité des pays du sud Sahara (Tchad, Niger, Mali, Burkina, Mauritanie) où le sport (et l’athlétisme) est loin d’être la principale des préoccupations.

L’Afrique sera une nouvelle fois ultra dominatrice. 4 nations ont engagé des équipes complètes dans les 5 courses du programme. Le Kenya (qui a déjà remporté 304 médailles dont 139 en or) et l’Ethiopie (255 médailles dont 96 en or), l’Erythrée et l’Ouganda, le pays hôte, alors que l’Afrique du Sud ne fait l’impasse que pour le relais. Ces 5 nations représentent à elles seules un quart des engagés à ce championnat du Monde.

45 « Kenyans » au départ de ce Mondial

Non seulement le Kenya sera l’épouvantail de ce Mondial capable de remporter sur le papier les 5 courses ainsi que les 5 titres par équipe mais plus largement, ce pays sera indirectement représenté par 17 autres coureurs évoluant sous d’autres bannières.

Une tendance qui se renforce  à travers les stratégies d’intégration de pays tels que le Barhein et la Turquie mais aussi de la part des Etats-Unis. Ainsi, 4 crosseux américains d’origine kenyane se sont qualifiés lors des sélections disputées sur la neige à Bend dans l’Oregon. Ils sont tous issus de la filière US Army World Class Project. Il s’agit d’un programme d’intégration d’athlètes kenyans dans les universités US, un premier tremplin avant d’être recruté par l’armée américaine, naturalisation oblige au passage. Aux J.O. de 2016, Paul Chelimo avait ainsi remporté la médaille d’argent sur 5000 m, il sera présent dans le team USA (au complet dans les 5 courses) pour disputer le relais.

. A lire également : JO de Rio, 4 coureurs d’origine kenyane en équipe américaine

La Turquie, en franc tireur

La Turquie, première nation européenne (aux Europe 2016 et aux Europe des clubs 2017…mais à quel prix ?!) sera présente en Ouganda avec une micro délégation, seulement 5 athlètes engagés, Polat Kemboi Arikan en seniors hommes ainsi qu’une équipe relais composée de Ali Kaya, Aras Kaya, Meryem Akdag et Yasemin Can.

Ils forment l’ossature d’une équipe de mercenaires qui, à l’échelle de l’Europe, brouille les cartes, une vraie menace pour la crédibilité même du championnat d’Europe.

Pour ce Mondial, c’est donc une équipe commando qui défendra les couleurs de cette nation. La place de 3 pour le relais est envisageable. Cela viendrait valider la stratégie de recrutement d’un pays « voyou » qui se moque bien du caractère « négrier »  de tels agissements.

. A lire également : La mort des Europe de cross

Quel avenir pour le cross relay mixed ?

Le cross relay mixed, voilà bien la nouvelle marotte de l’IAAF. Pour rappel, il s’agit d’une nouvelle forme de compétition par équipe de 4, avec 2 hommes et 2 femmes couvrant chacun une boucle d’un circuit de 2 km. Elle est directement inspirée du biathlon mais elle diffère dans son principe. En biathlon, ce sont les skieuses qui débutent cette épreuve sur 6 km puis les hommes sur une distance légèrement plus longue (7,5 km). En cross, l’ordre de chaque relayeur sera libre.

Pour cette première expérience, 12 pays ont répondu présent avec deux guest stars du demi fond mondial, Asbel Kiprop pour le Kenya et Genzebe Dibaba pour l’Ethiopie.

Sur ces 12 teams, 8 sont en provenance d’Afrique dont le Sud Soudan nouvel Etat créé en 2011, déjà présent aux J.O. de 2012 avec le marathonien Guor Marial alors exilé aux Etats Unis.

Nul ne sait quel sera l’avenir de ce format de course. Pour mémoire, l’IAAF qui navigue visiblement à vue pour tenter de restaurer l’image de cette discipline, avait instauré le cross court en 1998. Huit ans plus tard et 9 éditions, il était renvoyé aux oubliettes, seules quelques fédérations nationales, comme la France, l’ayant conservé.

> Texte : Gilles Bertrand