Le centre Viktor Chegin à Saranks en Russie était considéré comme le temple de la marche. Mais tous les meilleurs marcheurs russes, issus de cette structure, viennent d’être sanctionnés pour dopage.
2008, les J.O. de Pékin approchent. Trois marcheurs russes tombent pour dopage à l’EPO, tous membres de l’équipe olympique. Leurs noms ne sont pas restés à la postérité, Vladimir Kanaikin, Alexei Voevofin et Viktor Buraev alors que Valery Borchin cité dans un premier temps est blanchi de justesse.
Dans l’urgence, Arne Ljungqvist , le responsable de la commission médicale du CIO se fend d’un communiqué de presse qui inonde les rédactions de l’époque : « Cela semble être un usage systématique du dopage ».
Quatre plus tard, c’est un nouveau wagon de marcheurs russes qui part à la casse. 5 noms et non des moindres montent à l’échafaud. Sergey Kirdyapkin, Valery Borchin, Olga Kaniskina, Sergey Bakulin, Vladimir Kanaikin (déjà cité en 2008), ils pèsent à eux cinq, 18 médailles, 3 titres olympiques et 7 titres de champion du monde. Alors que la championne olympique sacrée à Londres sur 20 km, la ravissante Elena Lashmanova tombait elle aussi pour dopage il y a tout juste un an.
Sergey Kirdyapkin : champion du monde 2005 et 2009 sur 50 km, champion olympique 2012 sur 50 km
Olga Kaniskina : championne olympique en 2008 et médaillée d’argent en 2012 sur 20 km, championne du monde en 2007, 2009, 2011, championne d’Europe en 2010 et médaillée d’argent en 2006, recordwoman du monde des 20 km en 2008 avec 1h 25’11 »
Valery Borchin : champion olympique en 2008 sur 20 km, champion du monde en 2009 et 2011 sur 20 km, champion d’Europe espoir en 2007 sur 20 km
Sergey Bakulin : 3ème au championnat d’Europe sur 50 km en 2010, champion du monde en 2011 sur 50 km
Vladimir Kanaikin : champion du monde junior en 2002 et médaillé d’argent en 2004, recordman du monde du 20 km avec 1h 17’16 » en 2007
La fédération russe prise dans les vagues d’une forte tempête liée aux accusations de dopage institutionnalisé, a donc décidé de frapper fort. Cinq têtes couronnées viennent de rouler sur le billot, une mise à mort jetant la consternation compte tenu des pédigrees de chacun. Ces mises en cause ont été réalisées suite à des investigations réalisées dans le centre Viktor Chegin Olympic Training Center considéré comme le temple de la marche. Les enquêteurs se sont ainsi faits remettre les passeports biologiques de ces athlètes révélant après analyses des anomalies flagrantes sur le plan sanguin.
Ainsi la marche russe est mise à nu, soit un total de 20 athlètes convaincus de dopage en 6 ans. Il était temps. A propos de cette discipline, nous parlions de l’école russe, nous évoquions un fleuron, le centre de Saranks était cité en exemple. Les titres et médailles corroboraient ces propos, la Russie n’ayant telle pas conquis 38 médailles en grands championnats ces 10 dernières années, dont 17 en or comprenant 4 titres olympiques et 11 titres mondiaux dont un triplé historique en 2011 à Daegu, les deux 20 km et le 50 tombant dans l’escarcelle russe.
Ce n’était donc que mensonges, duperie et escroquerie en bande organisée, un vol de médailles et de titres institutionnalisé, couvert par une fédération complice. Même si le microcosme de la marche s’était toujours posé des questions sur l’authenticité de ce modèle « à la russe ».
Bien entendu, se pose désormais la question de la redistribution des médailles alors que ces athlètes viennent de recevoir des peines lourdes dont ils ne se remettront jamais. Des voix se sont faites entendre en Irlande. La fédération irlandaise a d’ors et déjà demandé à l’IAAF de réattribuer la médaille de bronze à Rob Heffernan (4ème aux J.O. de Londres en 2012) et l’or à Olive Loughnane (seconde aux Mondiaux de Berlin en 2009).
> Texte et photos Gilles Bertrand