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Le dopage russe en question au Championnat d’Europe en salle de Prague

Pour mener à bien leur travail minutieux, les enquêteurs de l’AMA ont multiplié les rencontres, et ont ainsi profité du Championnat d’Europe en salle de Prague début mars 2015 pour questionner deux athlètes russes, Yekatrina Poistogova et Anastasia Bazdyreva que la commission recommande maintenant de suspendre à vie.

 

Yekaterina Poistogova

Yekaterina Poistogova, une suspension à vie requise par l’AMA

6 à 7 médailles. C’est le décompte que Jenny Meadows estime avoir perdu à cause des tricheuses russes. Début mars 2015, le championnat d’Europe en salle de Prague se profile. C’est le premier rendez-vous international après les révélations du documentaire de la télévision allemande, qui a levé le voile sur certaines pratiques de la Russie. Jenny Meadows y a trouvé tous les arguments pour s’insurger et vitupérer ces athlètes artificiellement améliorées qui l’ont spoliée durant toute sa carrière.

Prague s’offre comme une revanche très attendue, car Jenny Meadows est alors convaincue que dans ce championnat, la Russie n’arrivera qu’avec des athlètes « propres ». Elle n’est pas la seule à croire que les accusations portées contre ce pays l’auront incité à arrêter toute dérive dopante. Patricia Djaté, qui a été championne d’Europe en salle en 1996, suit la même analyse, et a ainsi incité sa brillante successeuse, Renelle Lamotte, à profiter de cette nouvelle situation.

Anastasia Bazdyreva, en cause dans le documentaire allemand, et en lice à Prague

Mais cette idée d’une Russie stoppant ses pratiques indignes n’est qu’un leurre. Très vite à Prague, les premiers résultats confirment que les athlètes russes demeurent sur les mêmes niveaux, et enchaînent les performances. Le tableau des médailles se voit encore une fois dominé par la Russie, 1ère avec ses 6 médailles d’or, devant la France et la Grande Bretagne.

Le 800 mètres en particulier confirme que les Russes n’ont cure des informations véhiculées par le documentaire allemand. On y retrouve Anastasia Bazdyreva, qui est pourtant mise en cause dans ce documentaire…. Mais la jeune athlète russe se voit disqualifiée en demi-finale, pour avoir entravé Jenny Meadows dans les derniers mètres. La Britannique décroche sa place en finale, mais elle doit déclarer forfait, vaincue par la grippe. La revanche tant attendue n’aura pas lieu…Yekaterina Poistogova, elle, brille à nouveau, avec la médaille d’argent. Elle avait décroché le bronze aux Jeux Olympiques de Londres, à 21 ans seulement.

Les enquêteurs de l’AMA présents à Prague

Le rapport de l’AMA éclaire d’un jour nouveau ce Championnat d’Europe de Prague. Il révèle qu’il a justement été utilisé par la commission d’enquête pour entrer en relation avec Yekaterina Poistogova et Anastasia Bazdyreva pour les inviter à témoigner sur les pratiques en cours.

Le récit des enquêteurs témoigne de l’hostilité affichée des deux athlètes, en particulier Anastasia Bazdyreva, qui refuse d’être interviewée, alors que Yekaterina Poistogova accepte de répondre à quelques questions avant de s’interrompre sur le conseil du médecin de la fédération, le docteur Gubchenko.

Mais le plus édifiant dans le compte rendu est l’attitude du président de la Fédération Russe, M. Zelichenok, qui n’hésite pas à vitupérer les enquêteurs, et à se plaindre de leurs sollicitations sur ces deux athlètes. Les propos du président de la fédération sont édifiants : « Les athlètes sont ici pour gagner des médailles et faire de l’argent, et ces interviews perturbent leurs performances. »

Quelques mois plus tard, le rapport tombe, avec la demande de suspendre à vie Anastasia Bazdyreva et Yekaterina Poistogova, ainsi que son entraîneur, Vladimir Kazarin. Prague a sonné le glas pour les deux athlètes…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : Gilles Bertrand

    Aux JO de Londres, Mariya Savinova, Yekaterina Poistogova, avec leur entraîneur Vladimir Kazarin, tous les trois sous le coup d'une suspension à vie

    Aux JO de Londres, Mariya Savinova, Yekaterina Poistogova, avec leur entraîneur Vladimir Kazarin, tous les trois sous le coup d’une suspension à vie