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Le 100 mètres flambe, cinq sprinteuses sous les 10 »80

Cinq sprinteuses sous les 10 »80 sur 100 mètres cette année, cela ne s’était jamais vu. A quelques semaines des J.O., état des lieux du sprint féminin mondial qui flambe avec une leader la jeune Jamaïcaine Elaine Thompson créditée de 10 »70 lors des sélections à Kingston.

 

Jamais le sprint féminin n’a été aussi rapide qu’en cette année olympique. Avec cinq sprinteuses sous les 10’’80, jamais il n’a été recensé une telle densité de flèches volantes sur la ligne droite du 100 mètres.

Il faut remonter en 2009 pour trouver trois athlètes sous les 10’’80 avec la très puissante Carmelita Jeter en 10’’64 suivie de Kerron Stewart en 10’’75 et de Shelly Ann Fraser Pryce en 10’’79.

Si l’on descend dans le temps, alors que la brigade anti dopage est loin d’être efficace, lors des années canon de Marion Jones, 1998, 1999 et 2000, le sprint féminin n’affiche pas une telle densité de performances. Marion Jones sort un 10’’65 en 1998 et Christine Arron établit aux Europe de Budapest un nouveau record continental avec 10’’73. Mais elles sont les deux seules, cette année-là,  à rentrer dans ce cercle très fermé des 10’’80.

Puis loin dans le temps, sautons deux Olympiades, Barcelone marquée par la génération Ottey, Devers, Privalova, ça ne perce pas le mur du son en cette année 92. Merlene Ottey n’est pas encore au sommet de sa carrière. Ce n’est qu’en 1996 qu’elle porte son record personnel à 10’’74 dans l’arena de Milan.

De même lors des saisons dominées par les embrigadées du bloc de l’Est. Marlis Göhr, loin d’être « tankée » comme une Carmelita Jeter, porte le record national de la RDA en 10’’81 en 1983 suivie de Marita Koch avec 10’’83 la même année.

Ainsi, Elaine Thompson avec 10’’70, English Gardner avec 10’’74 et Murielle Ahouré, Tianna Bartoletta et Tori Bowie toutes les trois à 10’’78 ont donc forcé la porte des 10’’80 dans ce premier tour de chauffe et de sélections d’avant J.O. Elles inscrivent de surcroît leur nom dans le Top 15 mondial de tous les temps.

Murielle Ahouré

Murielle Ahouré

Ces cinq performances qui laissent déjà espérer une grande finale olympique, ne s’interprètent pas de la même façon.

. la performance la plus surprenante : ce sont les 10’’78 de Tianna Bartoletta. A 31 ans, l’Américaine a surtout construit son palmarès à la longueur avec un parcours exemplaire, championne du monde en salle à Moscou en 2006 et double champion du monde à Helsinki en 2005 et à Pékin dix ans plus tard où elle porte son record à 7,14 m. Des résultats qu’elle doit à sa pointe de vitesse, surtout sur 60 mètres, deux fois médaillée de bronze en salle à Sopot et à Istanbul mais aussi 4ème sur 100 m aux J.O. de Londres en 2012.

. Tori Bowie est elle aussi sprinteuse – sauteuse en longueur à deux grains de sable des 7 mètres avec 6,95 comme record personnel. Sur 100 m, avec 10’’78 cette saison, la troisième Américaine à gagner son billet pour Rio  est dans une logique de progression de ces deux dernières années avec 10’’80 en 2014 puis 10’’81 en 2015. Médaillée de bronze à Pékin l’an passé, elle doit confirmer son statut et se faire un nom dans le sprint mondial.

. Murielle Ahouré, âgée de 29 ans et formée aux Etats Unis, au centre de Houston, l’Ivoirienne veut offrir l’or à son pays après quatre médailles d’argent conquises en championnats du monde, par deux fois en salle (Sopot et Istanbul) et un doublé en argent à Moscou en 2013 sur 100 et 200 m. Avec 10’’78, elle grignote les centièmes qui la rapproche du soleil en or.

. English Garner, à 24 ans, elle vient de remporter les sélections américaines avec 10’’74. Elle devient ainsi la quatrième Américaine la plus rapide de tous les temps sur la distance noble du sprint derrière Florence Griffith Joyner (10’’49), Carmelita Jeter (10’’64) et Marion Jones (10’’65). Elle appartient au groupe HSI. Elle  a encore tout à prouver. On peut compter sur le savoir faire de son entraîneur John Smith qui, juste avant elle, a façonné Carmelita Jeter et Dawn Harper.

Elaine Thompson

Elaine Thompson

. Enfin, Elaine Thompson avec 10’’70. Après Assafa Powel, Shelly Ann Fraser-Pryce, Brigitte Foster-Hylton, Melaine Walker, Shericka Williams et Sherone Simpson, voici la nouvelle coqueluche du « gourou » du MVP, la future étoile du sprint mondial féminin qui vient de crever l’écran en réussissant 10’’71 dès  sa première sortie 2016 à Kingston le 7 mai (vent mesuré à 2,4 m/s) puis 10’’70 lors des sélections.

L’an passé, cette jeune sprinteuse s’était retrouvée au centre d’un petit scandale made in Kingston lorsque son coach, le fameux Frano, l’écartait des sélections jamaïcaines sur 100 mètres pour laisser la place nette à Ann Shelly Fraser-Pryce.

La presse ainsi que le petit monde de l’athlé local avaient crié au loup accusant Stephen Francis de bas calculs financiers. Elaine Thomson s’était ainsi alignée uniquement sur le 200 des Mondiaux de Pékin, y remportant l’argent, battue de trois centièmes par la Néerlandaise Dafne Schippers. La Jamaïcaine réussissait le 5ème chrono de tous les temps passant de 23’’23 à 21’’66.

En cette année Olympique, Frano a préparé sa petite protégée uniquement pour le 100 mètres. Qui sera championne olympique ?

> Texte et photo Gilles Bertrand