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La viande, nouvel alibi anti-dopage ?

L’Américaine Ajee Wilson a été testée positive récemment avec du zéranol, un agent anabolisant, mais la spécialiste du 800 mètres n’a pas été sanctionnée, ce produit étant utilisé pour la production de la viande aux Etats-Unis. L’histoire avait été semblable pour le marathonien Fernando Cabada, positif au clenbutérol, un autre anabolisant également très utilisé dans l’industrie de la viande.

WILSON AJEE A

Zéranol et clenburérol. Les deux produits figurent sur la liste des interdits de l’Agence Mondiale Anti-Dopage, dans la catégorie S1, celles des autres anabolisants. Pour quelle raison ? Pour l’avantage qu’ils procurent, par leur capacité à augmenter la masse musculaire. L’histoire regorge de cas d’athlètes positifs au clenbutérol, comme les sprinteuses allemandes Katrin Krabbe ou Grit Breuer.

Toutefois tout récemment, deux affaires concernant des athlètes américains se sont achevées par une absence de sanction. Ajee Wilson, positive au zéranol, et Fernando Cabada, positif au clenbutérol, ont été relaxés. Avec le même argument, celui de l’ingestion par erreur de ces produits. Et à chaque fois, la viande a été incriminée.

En effet, le zéranol, comme le clenbutérol, comptent parmi les produits utilisés dans l’industrie de la viande dans plusieurs pays, pour augmenter la croissance du bétail, qu’il s’agisse des bovins, de l’agneau, ou du porc.

En Europe, l’usage du clenbutérol est interdit pour les éleveurs, mais il demeure très présent en Chine et au Mexique, et l’ingestion de viande dans ces pays peut découler sur une augmentation forte des taux constatés chez les humains, d’où le risque de contrôle positif, sur lequel l’Agence Anti Mondiale avait alerté dès 2011.

CABADA

C’est justement le séjour au Mexique de Fernando Cabada qui aurait provoqué la détection d’un faible taux de clenbutérol lors d’un contrôle inopiné réalisé début décembre 2016, comme le validait début février, l’USADA, l’Agence Anti-Dopage Américaine, qui refusait de sanctionner ce marathonien, relativement méconnu, mais pourtant doté d’un palmarès comptant un record à 2h11’36 en 2014, une 2ème place à Chicago en 2015, et un chrono de 2h14’52 à Amsterdam en octobre 2016.

Les queues de boeuf incriminées par Ajee Wilson

L’affaire d’Ajee Wilson s’inscrit dans la même lignée. La jeune athlète de 23 ans s’était adjugée en février aux Millrose Games le record américain du 800 mètres en salle, en 1’58’’27, mais son échantillon prélevé à New York allait révéler la présence de zéranol. Avec en conclusion, une nouvelle fois, la relaxe par l’USADA, estimant hautement improbable que le zeranol résulte d’une autre source que de la viande contaminée par ce produit, et excluant ainsi un apport exogène volontaire dans un but de dopage.

Selon les informations livrées par son entraîneur Derek Thompson, au site « Let’s Run », ce sont des queues de bœuf mangées par l’athlète la veille de sa course dans un restaurant jamaïcain, et les restes de ce plat ingérés au déjeuner le jour même qui seraient à l’origine de cette augmentation de son taux de zéranol… C’est en tout cas l’analyse effectuée par l’expert en toxicologie consulté par l’avocat de l’athlète, le docteur Helmut Zarbl, et présentée pour sa défense.

La décision prise par l’USADA apparaît tout de même troublante, le record américain d’Ajee Wilson se voit invalidé, la prime financière reçue à New York supprimée, mais elle ne supporte aucune suspension sportive.

Un double jugement étonnant, tombé le 19 juin, à trois jours seulement du début des Trials américains, où Ajee Wilson allait réaliser un sans faute pour remporter la victoire, avec un chrono de 1’57’78’’, à 6 centièmes seulement de son record établi à Monaco en 2014. Ce gros talent, championne du monde junior en 2012, vice-championne en salle en 2016, avait connu l’année dernière une saison estivale moyenne, n’accédant pas à la finale olympique, et bloquée à 1’59’’44, et son début 2017 s’inscrit visiblement dans une toute autre dimension.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.