La Turquie est décimée par la lutte anti-dopage, et ce Championnat d’Europe en salle le confirme avec une toute petite équipe, de 10 athlètes seulement. Juste au moment où la suspension de Nevin Yanit était allongée par le Tribunal Arbitral du Sport.
Le timing pouvait difficilement être pire pour la Fédération Turque. La voilà à nouveau pointée du doigt comme très mauvais élève du dopage. L’instance a reçu un désaveu total de la part du Tribunal Arbitral du Sport avec l’allongement à trois ans de la suspension de la hurdleuse Nevin Yanit. Et la décision est justement tombée le premier jour de ce championnat d’Europe de Prague.
Le TAS intervenait sur demande de l’IAAF, estimant que la sanction prise par la Fédération Turque à l’encontre de Nevin Yanit était trop courte, avec seulement deux ans, alors que selon leurs investigations, une suspension plus longue devait être appliquée en raison de circonstances aggravantes, découvertes dans le passeport biologique de la hurdleuse.
Nevin Yanit, en plein dans le dopage aux JO de Londres
Les délibérations du tribunal d’arbitrage suisse révèlent que Nevin Yanit a utilisé le cocktail stanzolol + testotérone en de multiples occasions entre août 2012 et février 2013, et qu’elle a également eu recours au dopage sanguin entre juin 2012 et février 2013. Conclusion, trois ans en off à partir de mars 2013. Avec tout de même cette question : dans ce contexte, pourquoi conserver sur les tablettes la 5ème place de Nevin Yanit aux JO de Londres ???
Le cauchemar se poursuit pour la Fédération Turque, mise à l’index pour son non engagement dans la lutte anti dopage. En février, Thomas Capdevielle, le boss de l’anti dopage à l’IAAF, n’avait pas dissimulé qu’il avait fallu une pression forte de l’instance mondiale pour que la Turquie accepte de faire le ménage dans ses athlètes, et sanctionne ainsi une cinquantaine de personnes entre 2013 et 2014.
L’IAAF avait également exigé que la Turquie s’entretienne avec chaque athlète concerné pour identifier la source du dopage, et ces enquêtes avaient provoqué la suspension de neuf entraîneurs. Et comme me l’explique Murat Agca, le journaliste du quotidien « Haberturk », ces coachs ont été également sanctionnés sur un plan pénal.
Les coachs turcs jugés pour trafic de produits dopants
Or pour ce journaliste rôdé de longue date à la couverture de l’athlétisme, ce sont justement les entraîneurs qui seraient les plus fautifs dans cette débâcle du dopage turc, pour avoir mouillé dans des trafics d’importation illégale de produits interdits.
Pour Murat Agca, les choses sont limpides : la Fédération n’aurait été coupable de rien, et de toute façon, une nouvelle direction a été élue depuis l’année dernière, avec un seul credo : tolérance zéro. Et une lutte active contre le dopage qui aurait produit ses premiers effets avec aucun cas positif en 2014. Avec en ligne de mire, un nouveau futur, avec une nouvelle génération de talents, non tricheurs !
Pour y parvenir, le nouveau Président devra aussi reconstituer le staff technique, et c’est du côté des entraîneurs étrangers qu’il se tourne, épaulé par Serguey Bubka, qui lui recommande des coachs d’Ukraine, spécialistes des sauts et de la perche, qui seront chargés de former les athlètes mais aussi les coachs turcs.
Moins d’athlètes et moins de femmes qu’à Londres
Pour leur première sortie internationale depuis que l’étendue du dopage a été révélée, les Turcs sont arrivés en mini délégation à l’Europe Indoor. Seulement 10 athlètes pour arborer le croissant étoilé, alors qu’ils étaient 33 aux Jeux Olympiques 2012. L’autre changement est celui de la répartition hommes/femmes : ils sont 6 hommes et 4 femmes à Prague, alors qu’ils étaient 8 hommes et 25 femmes à Londres !
Un déséquilibre visible qui nous avait alerté aux JO de Londres, car l’histoire athlétique révèle que le dopage au féminin est plus facile à conduire, par la grâce des hormones…
Les dérives de la Turquie n’ont échappé qu’un temps aux instances de l’anti-dopage, et le sordide les a rattrapés, avec une succession de cas positifs que la Fédération Turque n’a pu dissimuler.
L’OPA de la Turquie à Barcelone 2010
Un temps suffisamment long tout de même pour leur autoriser le vol de quelques médailles, et Barcelone 2010 reste dans les mémoires pour l’OPA réalisée avec 4 médailles, sur 5000 m et 10000 m, avec Alemitu Bekele et Elvan Abeylegesse, et sur les haies avec Nevin Yanit. Quatre ans plus tard, ces trois noms ont été balayés par la tornade des sanctions.
L’équipe déplacée à Prague ne pouvait prétendre à une grande réussite. Les tours s’enchaînent et les athlètes turcs sortent les uns après les autres sans accéder aux finales. Halil Akkas n’y échappe pas non plus. Le spécialiste du 3000 m arrivait pourtant en République Tchèque au 6ème rang européen. Et il n’y aura qu’Ilham Ozbilen et Ali Kaya, qui se propulsent en finale du 1500 m et du 3000 m.
De gros talents que la Turquie a recrutés au Kenya pour élever son niveau en athlétisme. Dans un futur proche, on pourrait aussi voir des sprinters issus de la Jamaïque venir en renfort aux demi-fondeurs de l’Afrique de l’est.
Car envers et contre tout, la Turquie poursuit cette politique sportive, pour booster son niveau. Mais que penser d’une telle démarche où ces jeunes athlètes étrangers doivent gommer leur nom pour adopter des patronymes turcs ??
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand