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La rengaine du dopage au Kenya, avec Wanjiru, vainqueur de Londres 2017

Une nouvelle pépite à l’actif de l’AIU avec la suspension de Daniel Wanjiru, vainqueur du marathon de Londres en 2017, et qui valait 2h05. Un nom de référence s’ajoutant à celui de Wilson Kipsang, au sort identique depuis janvier. Leur manager commun, Gérard van der Veen de Volare Sports, les soutient et conteste tout dopage !

La liste est longue, elle compte 57 noms de Kenyans sanctionnés pour dopage. Et il s’y ajoute aussi 8 athlètes soumis à une suspension provisoire, dans l’attente de l’instruction de leur dossier.

Les gros palmarès y foisonnent. Dernier en date, Daniel Wanjiru, 27 ans, vainqueur du marathon de Londres en 2017. Il y avait créé une énorme surprise en supplantant au sprint Kenenisa Bekele. Il venait de réaliser quelques mois plus tôt, en octobre 2019 à Amsterdam, une très grosse progression, 3 minutes gagnées en une année, pour l’amener à 2h05’.

Une nouvelle « bombe » sur le plan de l’anti-dopage, confirmant que l’AIU maintient la pression sur le Kenya et travaille aussi sur les grosses pointures. Et la compilation de ses listes confirme que le top niveau kenyan a bien, lui aussi, recours au dopage.

Les premières « prises » avaient concerné des athlètes de seconde zone, (*) et il avait fallu patienter un moment avant que les athlètes de niveau mondial tombent aussi dans la nasse, et le coup d’éclat était arrivé à l’automne 2015 avec la suspension de Rita Jeptoo, victorieuse dans les plus grands marathons mondiaux.

Après Rita Jeptoo, d’autres athlètes top niveau tombent pour dopage

Un délai suffisamment long pour laisser le champ libre aux experts de tout poil, et on ne peut oublier les propos de l’entraîneur italien Renato Canova, qui soutenait que le dopage ne pouvait agir pour les Kenyans de niveau mondial, qui n’évoluaient que sur leur talent. Le coach, devenu une référence après 30 ans à entraîner au Kenya, se targuant de plus de 25 podiums olympiques et mondiaux, se révélait très offensif, y compris après le contrôle de Rita Jeptoo, pour soutenir cette position outrancière, que les faits allaient finir par détruire à mesure que les meilleurs Kenyans se voyaient rattrapés par une patrouille de plus en plus vindicative.

Une compilation rapide des athlètes suspendus en dit long sur ce concept idiot du « hors élite ».

  • Rita Jeptoo – 2h18’ – double victorieuse Boston et Chicago
  • Jemima Sumgong – 2h20’ championne olympique 2016 du marathon
  • Asbel Kiprop – champion du monde et champion olympique 2008 du 1500 m
  • Sarah Chepchirchir – 2h19 – victorieuse Tokyo 2017
  • Abraham Kiptum – recordman du monde du semi marathon 2019
  • Wilson Kipsang – ex-recordman du monde de marathon – médaillé de bronze aux JO 2012 – double vainqueur à Londres – vainqueur à New York
  • Alfred Kipketer – champion du monde junior 2016 – 7ème aux Jo Rio
  • Daniel Wanjiru – vainqueur d’Amsterdam 2016 et Londres 2017

La suspension de Wilson Kipsang, en janvier, puis de Daniel Wanjiru, confirme combien les meilleurs marathoniens du Kenya n’ont pas hésité à emprunter les chemins de traverse pour empocher des milliers de dollars. Et les sommes parlent, avec plus de 2 millions de dollars en 8 ans pour Kipsang, plus de 250.000 dollars en 3 ans pour Wanjiru, selon le recensement du site américain ARRS. Mais en conclusion, pour Wilson Kipsang, une suspension provisoire pour des problèmes de localisation. Et pour Daniel Wanjiru, pour des irrégularités de son passeport biologique.

Gérard Van de Veen, leur manager, soutient Kipsang et Wanjiru

Le duo s’est trouvé un nouvel avocat pour prendre leur défense. Leur manager Gerard Van De Veen, de Volare Sports, est passé à l’attaque dès le mois de janvier, à l’annonce de la suspension de Wilson Kipsang, en soutenant via FB qu’il n’y a pas d’utilisation de dopage et qu’il s’agit d’un simple malentendu sur la localisation de l’ex-recordman du monde, médaillé de bronze aux JO 2012, vainqueur de New York, et deux fois à Londres.

En cette mi-avril, le ton demeure sensiblement le même pour ce nouveau 120 athlètes, sur lesquels il prélève 15% des gains, en compagnie de son épouse et de sa fille, Mariekke et Hannah, était déjà apparu dans l’œil de l’anti-dopage en 2015, lorsque la fédération Kenyane d’Athlétisme lui interdit de poursuivre son activité de manager au Kenya, en même temps que la société italienne, Rosa Associati.

Six mois plus tard, ces suspensions étaient levées sans explications plus formelles. Par manque d’éléments à charge durant l’enquête ? Par interventions du réseau des uns et des autres ? La transparence n’était pas de mise.

Un passeport biologique irrégulier ? Gérard Van de Veen discrédite l’AIU

En affichant sans faux semblant son soutien fort à ses deux athlètes, Gérard van de Veen fait preuve d’un esprit certain de provocation. Il discrédite ainsi le travail effectué par l’Athletics Integrity Unit. Sa mise en cause laisse à entendre que le Passeport Biologique ne serait qu’une vaste « arnaque », pour dépister les athlètes dopés. C’est ainsi rejeter une procédure qui n’est pas lancée à la légère par l’AIU, avec l’obligation d’avoir, au préalable, trois avis d’experts concordants, qui concluent à des manipulations sanguines.

Gérard Van de Veen véhicule ainsi une autre théorie du complot, que reprennent à leur compte une multitude de Kenyans, et l’on voit fleurir dans les commentaires les accusations de corruption contre les agences anti-dopage qui «balanceraient » les noms des athlètes qui auraient refusé de payer pour voir leur contrôle annulé.

Mais que risque vraiment Gérard Van de Veen ? Pas grand-chose. En réalité, les sanctions s’appliquent aux seuls athlètes, et managers et entraîneurs demeurent très rarement mis en cause. Ainsi sur les listes de l’AIU, qui recensent actuellement 570 personnes « jugées » et en cours de suspensions, plus 62 en suspension provisoire, soit un total de plus de 630, il n’apparaît aucun coach, et seulement 26 « soutiens personnels des athlètes », à avoir reçus une sanction de l’AIU.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

(*) Matthew Kisorio, valait 2h10′ à sa suspension en 2012. Après sa reprise, en 2014, il a réalisé 2h04’43’