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Keni Harrison, un record du monde mais sans J.O.

Le record du monde du 100 mètres haies tenait debout depuis près de 30 ans, détenu par la Bulgare Yolanda Donkova avec 12’’21. Lors du meeting de Londres, la jeune Américaine Keni Harrison a effacé celui-ci pour un centième. Pour autant, la hurdleuse ne participera pas aux J.O. car seulement 6ème des sélections américaines.

 

Nous sommes au septième jour des sélections américaines. Jour de la finale du 100 mètres haies. La finale la plus disputée de ces trials. Les sept meilleures mondiales le dos au mur, à deux pas de la statue du légendaire Bowerman. Trois places en jeu…la roulette russe. Une tribune à craquer, un stade bondé, un public chauffé. L’athlé dans ce qu’il y a de plus passionnel.

Keni Harrison

Keni Harrison

Déjà les demi ont fait des dégâts, impitoyable loterie, Dawn Harper Nelson, en or à Pékin, en argent à Londres, est mise dans le vent et loupe la finale pour un centième. Un centième, l’épaisseur d’un ongle pour une hurdleuse sans griffe.

La finale donc, trois tickets, trois drapeaux pour Rio. L’un pour Nia Ali, elle rentre de maternité. Une année off après deux titres en salle sur 60 mètres haies. Elle termine troisième en 12’’55. Devant elle Krsiti Castlin, 28 ans, rien à croquer sous la dent qui ne brille vraiment, plus douée l’hiver que l’été, elle chope le second ticket pour Rio en 12’’50. Devant elle, celle qui éclate de joie, Brianna Rollins, Kristi et Brianna s’entraînent ensemble. Ces sélections, c’est ensemble qu’elles ont préparé le rendez vous d’une vie. Brianna Rollins fut championne du monde en 2013. A Eugene, c’est bien la course d’une vie qu’elle remporte en 12’’34 à un centième du record des championnats toujours détenu par Gail Devers.

Keni Harrison est terrassée. Elle était favorite après avoir battu le record national le 28 mai, ici même à Eugene avec 12’’24

Sur la piste de Eugene, les drapeaux flottent, le stade exulte, la tribune verte et jaune tremble sur ses fondations. De ce rodéo des pistes, des jeunes femmes sont à terre. Keni Harrison est terrassée. Elle était favorite après avoir battu le record national le 28 mai, ici même à Eugene avec 12’’24, meilleure temps mondial de l’année. Mais ce ne fut pas la course d’une vie, seulement sixième. Sortie du couloir de l’humiliation et du désespoir, elle répond aux journalistes sans dissimuler une terrible désillusion. « Je ne sais pas ce qui est arrivé. Je vais devoir regarder le film car là, je suis trop perdue pour l’expliquer. Ce sont des choses qui arrivent sur les haies. Là, je n’ai plus qu’à rentrer à la maison pour préparer le meeting de Londres « . Déjà l’an passé, la jeune Américaine était rentrée penaude du Mondial de Pékin après avoir été disqualifiée en demi finale alors qu’elle pouvait prétendre à un podium. Les critiques n’ont pas manqué sur un manque manifeste de confiance en elle révélé dans la presse.

Keni Harrison dans sa grande famille

Keni Harrison dans sa grande famille

A Londres, Keni Harrison n’a pas raté son coup. La course d’une vie. 12’’20, nouveau record du monde, un centième de moins que les 12’’21 de Yolanda Donkova, établis le 20 août 1988, dix jours avant que la Bulgare ne devienne championne olympique à Séoul en 12’’38.

Un record qui ne prenait pas la rouille malgré les attaques, les suspicions, les doutes entourant ces performances réalisées, une décade durant par les athlètes du bloc de l’Est. Un record en ligne de front, à ranger aux côtés des 47’’60 de Marita Koch et des 1’53’’28 de Jarmila Kratochvilova.

Adoptée à la naissance et élevée dans une famille de douze enfants dont  neuf adoptés, Kendra (c’est son vrai prénom) a choisi le sport pour exister dans cette tribu « pour attirer la lumière sur moi » se confie-t-elle. Gamine, elle est passée par le trumbling. On détecta ses qualités d’explosivité, de vélocité et de coordination. On l’orienta vers les haies, le 100 H et le 400 H, avant qu’elle ne se spécialise pour les haies hautes. Aujourd’hui, elle est dans la lumière. Parfois aveuglante.

 

> Texte : Gilles Bertrand