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Dopage : les coupables dans l’affaire Puerto en Espagne ne seront pas sanctionnés

Après douze années, la monstrueuse affaire Puerto accouche d’une souris. On savait déjà que les 200 sportifs concernés par le recours à des transfusions sanguines distillés par le Docteur Fuentes ne seraient pas identifiés officiellement. La Fédération Espagnole de cyclisme a maintenant décidé d’exonérer aussi les médecins et officiels responsables dans ce dossier.

 

Le ridicule ne tue pas. La Fédération Espagnole de Cyclisme le sait parfaitement. Elle vient de choisir d’acquitter de toute sanction les acteurs majeurs de l’affaire Puerto, le Docteur Fuentes, sa sœur, le Docteur Yolanda Fuentes, Manolo Sainz, ex-directeur sportif de l’équipe Once et Liberty Seguros, Vicente Belda et Ignarcio Labarta, liés à l’ancienne équipe Kelme.

fuentes

Pourquoi tant de mansuétude à l’égard de personnes au rôle reconnu par la Justice Espagnole dans cette affaire de dopage sanguin au prix de transfusions massives ? Tout simplement parce qu’elles ne sont plus licenciées à la Fédération de cyclisme… Et pourtant comme le souligne « Inside The Games », Manolo Sainz demeure encore en fonction dans le cyclisme, dans l’équipe espoirs Aldro.

La conclusion de ce scandale arrive plus de 12 ans après que la police espagnole ait effectué une perquisition dans la clinique du Docteur Fuentes à Madrid, et ait saisi 211 poches de sang. C’était le début d’une affaire monstrueuse qui allait en final accoucher d’une souris.

Avec déjà, en 2016, dix ans après les faits, la décision du Tribunal de Madrid d’interdire l’identification de ces poches, récupérées in-extremis avant leur destruction par l’Agence Mondiale Anti-Dopage, et stockées au laboratoire de Lausanne, dans l’attente d’un feu vert de la justice qui n’est donc jamais venu.

C’est ainsi que n’ont jamais pu être officialisés les noms des sportifs concernés, qui comptaient des dizaines de cyclistes, des footballeurs, des tennismen, et des athlètes, parmi lesquels le témoignage de Jesus Manzano, l’homme à l’origine de cette affaire, avait dévoilé Marta Dominguez, Roberto Heras, Abel Anton, Reyes Estevez.

Marta Dominguez

Marta Dominguez

De ces quatre personnes, seuls Marta Dominguez et Roberto Heras allaient connaître des suspensions pour dopage. Dans le cas de Marta Dominguez, la sanction tombait en fait par une condamnation par l’IAAF, puis le Tribunal Arbitral du Sport, et pour une autre affaire, l’opération Galgo.

Nuria Fernandez, mise en cause mais pas sanctionnée

Cette opération « Galgo » a largement souillé le demi-fond espagnol, comme les journalistes Luis Rendueles et Manuel Marlasca l’ont démontré dans le magazine « Intervieu.es » du 17 janvier 2011, (attention couverture très suggestive et sans rapport avec le sujet dopage !) où ils pointent les dérives orchestrées par l’entraîneur Manuel Pascua. Les journalistes dévoilent en particulier des enregistrements téléphoniques d’une conversation du 24 juillet entre Manuel Pascua, une référence en Espagne, et Nuria Fernandez. C’est quelques jours seulement avant la finale du 1500 mètres du Championnat d’Europe de Barcelone, où Nuria Fernandez va créer la surprise par une fin de course ébouriffante l’amenant à la médaille d’or, sa première référence majeure à 24 ans, dans une carrière où elle n’a jamais, jusque là, accédé à un podium international. Elle explose en parallèle son record personnel de plus de 2 secondes (4’00’’20 – 4’02’’43).

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Les propos entre Manuel Pascua et Nuria Fernandez sont codés, ils font référence à une « ampoule pour le pied » que l’entraîneur l’invite à utiliser, en lui affirmant qu’elle courra ainsi comme un « mâle » ! Et les preuves collectées par la police espagnole comptent également des enregistrements vidéos démontrant un échange d’argent avec le Docteur Yolanda Fuentes en contrepartie de produits dopants.

Autant d’éléments exhibés au grand jour depuis 2011, sans qu’aucune action n’ait été notifiée, ni à Nuria Fernandez, ni à Reyes Eesteves, qui figure également sur les vidéos douteuses.

Le couple Fuentes s’en sort tout aussi bien, et surtout Yolanda, impliquée à la fois dans l’affaire Puerto et Galgo, et soustraite à toute sanction. Et 12 ans plus tard, force est d’admettre que le dossier « Puerto » n’a nui qu’à la candidature de Madrid pour les JO de 2020. Quel dommage…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.