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Christelle Daunay et Laurent Boquillet, deux socles pour l’Entente Sarthe

Christelle Daunay et son nouveau maillot de club

Christelle Daunay et son nouveau maillot de club

 

Dossier Le Mans : Ententes et Mésententes : Acte 2 : Dans la Sarthe, dix clubs se sont regroupés au sein de l’Entente Sarthe. Une union sacrée drivée par Laurent Boquillet, qui a su ramener Christelle Daunay, la meilleure coureuse mancelle, vers le département de ses débuts. Deux socles puissants pour un club chargé de gommer toutes les dissensions pour que la Sarthe s’affirme de manière forte comme leader en France, même si l’élite demeure pour le moment absente des orientations choisies.

 

L’hôtel Novotel du Mans ne se distingue en rien de ses jumeaux disséminés à travers la France. En réalité, la bâtisse blanche, sans charme, pourrait tout aussi bien se nommer « Hôtel de l’Athlétisme ».  Elle trône comme une porte d’entrée à l’Ile aux Sports, à sa piste d’athlétisme, à ses parcours d’entraînement tracés le long de l’Huisne, des lieux fétiches des coureurs et athlètes manceaux, qui se donnent souvent rendez-vous sur son parking. Chaque hiver, l’hôtel sert de tête de pont à l’organisation du cross Ouest France, le bois de l’Epau n’est qu’à quelques minutes de marche.

En cette journée du 2 février, l’hôtel s’impose définitivement comme l’épicentre de l’athlétisme sarthois. Sur les portes des salons, trônent en lettres  majuscules « ENTENTE SARTHE ». Deux mots empreints de symboles, marquant l’union sacrée de dix clubs de Sarthe se regroupant pour devenir plus forts.

Il n’est que 15 heures, la conférence de presse n’est prévue qu’à 17 heures, mais Laurent Boquillet et Christelle Daunay sont déjà là, prêts pour les sollicitations des télés locales, ravies de l’aubaine de pouvoir capitaliser sur ces deux « pointures » de l’athlétisme français, unies dans ce nouvel élan.

Laurent Boquillet (au centre) et certains présidents des sous sections de l'Entente

Laurent Boquillet (au centre) et certains présidents des sous sections de l’Entente

Laurent Boquillet compte déjà plusieurs mois de travail derrière lui pour que ce projet aboutisse enfin. Le parcours du patron du meeting Areva de Paris, né dans les Ardennes, l’a mené à Paris, à Strasbourg, en Italie, en Californie, et le Mans s’est depuis peu imposé comme son lieu de vie après son union avec Vincianne Cussot, originaire de la capitale sarthoise. Et le néo-manceau a été très vite désigné pour faire aboutir cette idée d’union en stand by depuis très longtemps. Son éclectisme le justifie, il est passé par Nike, Adidas, ASO, Golazo, il a été le manager d’Hicham El Guerrouj, tout en pratiquant sans discontinuer le cross, le triathlon, le trail…

Toutes ces facettes l’ont «poussé devant », comme il me l’explique, mais il n’est pas dupe sur les raisons profondes qui l’ont mué en homme de la situation : « Comme dans toutes les régions, il y a des guerres d’égo, du passé, des histoires anciennes qui reviennent sans cesse. Et moi, je n’ai pas d’historique avec l’athlétisme sarthois. » Depuis près d’une année à bosser sur ce projet, il en a entendu des anecdotes sur ces vieilles rancoeurs, ces régionaux où on ne s’est pas salués, ces juges qu’on n’a pas envoyés sur une compétition, ces athlètes qu’on s’est piqués …

Un projet urgent à mener

Laurent n’avait plus qu’à s’appuyer sur  son sens inné de la négociation rôdé par un quart de siècle dans le monde de l’athlétisme, pour lever ces tensions, et avancer. A un rythme qu’il a voulu rapide : « J’ai aussi bousculé le projet, car les clubs étaient d’accord, mais pour dans 2-3 ans. »

Or, lui a conscience d’une urgence : « C’est une nécessité ici en Sarthe. Le projet était dans les cartons depuis plusieurs années. C’est revenu au goût du jour il y a un an entre Jean-Claude Raison, le patron du LMA, et Jean Philippe Chrétien, d’Athlé 72. Le meilleur club d’athlétisme, Athlé 72, venait de descendre d’une division, de Nationale 2 à Régional. Ils ont fait aussi le constat que pour les jeunes, on n’arrive plus à qualifier d’équipes au France. »

Laurent d’abord simple consultant pour accompagner le duo dans la démarche se pique au jeu, aide à structurer le projet, à la présenter aux autres clubs. Et fait un constat rapide : « Le nerf de la guerre est l’argent. Les clubs hésitaient à adhérer à l’entente car il fallait de nouveaux maillots. » Il se tourne alors vers Nike, sa marque fétiche, il y a débuté il y a près de 25 ans, et leur « vend » une très jolie saga : « Ici, il y a une vraie histoire, qui me rappelle l’Oregon. C’est une terre de cross, avec le Ouest-France, le Maine Libre, toutes ces personnes, Chau-Chau. Il y a une terre de running. Nike a trouvé l’idée intéressante. »

Pas de recrutement d’athlètes d’élite

Un temps, un gros partenariat apparaît possible, les chiffres valsent, mais cela se limitera à la fourniture des maillots pour les 2000 licenciés du « Grand Club ». Et ces contraintes financières ont pesé lourd pour incurver la première orientation donnée au projet par Laurent Boquillet, de recruter des athlètes d’élite à travers toute la France, on avait ainsi beaucoup parlé de la venue de Hassan Chahdi sous le maillot sarthois.

Laurent Boquillet avance une autre explication : «. Je me suis très vite rendu compte que je rentrais dans un système de compétition, qui ne devait pas être celui de l’entente, ou du moins de la fondation de l’entente. De part mon passé de manager, chez Nike, on aime gagner. On se dit qu’on va exploser tout le monde. Mais le projet n’est pas là, ce n’est pas l’idée de cette entente. J’ai fait marche arrière ! »

Sa carrière pullule de voltes-faces et de virages parfois  à angles droits, et celui-ci a été parfaitement négocié, même si sa voix s’enthousiasme à l’idée de créer un club Nike, à l’image des initiatives menées en Italie, en Espagne, au Danemark. La raison l’a emporté, et Laurent assène calmement : « Ca créait des tensions dans l’entente, les présidents ne sont pas habitués à gérer du haut niveau, des salaires… Ca pouvait être préjudiciable à court terme. » Et il enfouit son idée de gagner le France de cross par équipe, pour s’orienter sur un club formateur, centré sur les cadets-juniors, avec l’objectif de les faire grandir pour briller dans quelques années.

L’Entente, un marche pied pour une future Pésidence de la FFA ?

Un certain pragmatisme a prévalu. Laurent n’élude pas la question de savoir si sa fonction de président de l’Entente constitue surtout un marche pied pour qu’il devienne un jour président de la FFA, et il répond sans ciller : « Oui, je n’écarte pas l’idée d’avoir un jour des velléités de diriger un jour la FFA. Je pourrais avoir un jour une certaine légitimité à le faire. » Mais il a eu très vite fait son analyse : sa compétence est acquise pour les aspects marketing, athlètes de haut niveau, évènementiels, il ne lui manquait donc que l’expérience de l’athlétisme local, des clubs, et il l’admet, sa nouvelle nomination à la tête du « Grand Club » tombe ainsi à point nommé.

Surtout que quel soit son avenir dans cette entité, Laurent Boquillet a déjà réussi un très joli coup, celui du come-back sous maillot sarthois de sa grande championne, Christelle Daunay, exilée depuis plus de 10 ans au SCO Ste Marguerite. Une opération financée par Nike et qu’il a négociée avec André Giraud, le patron du SCO Ste Marguerite, l’homme aux côtés duquel il se présentera très probablement pour la prochaine élection fédérale de 2017 dans laquelle André Giraud ambitionne de conquérir la présidence de la FFA, et dont il serait ainsi son « bras droit »…

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Le sourire de Christelle Daunay témoigne de son enthousiasme à revenir « chez moi », même si elle avoue : « Je pensais rester Marseillaise, j’étais bien à Marseille. Mais Laurent m’a exposé un projet qui m’a touchée et convaincue. » Parce qu’il lui permet de revenir sous les couleurs de sa ville natale, elle a grandi à quelques mètres de la piste de l’Ile aux Sports, elle a longtemps exercé sa profession de kiné dans un centre de rééducation très proche, elle a découvert l’athlétisme ici, et l’y a pratiqué près de 20 ans. Et elle raconte : « Je n’étais pas partie de gaieté de cœur en 2004. Après, j’ai grandi au sein de Marseille, j’ai fait mon palmarès là-bas. Mais je n’ai pas oublié que j’ai été formée en Sarthe, et j’ai été aussi préservée ici. J’étais une bonne athlète, mais pas forcément à haut niveau. J’ai gravi tranquillement les échelons. »

Christelle a grandi ici

Ses liens avec la Sarthe ne se sont jamais distendus, elle y compte toutes ses attaches familiales, amicales, et son émotion est palpable quand elle souligne : « Je suis fière de dire que j’ai commencé ici. Et de voir toutes les performances réalisées pour m’amener aux JO cet été. Tout ça, je le dois aussi aux dirigeants qui m’ont aidée, soutenue dans ma jeune carrière. Et qui m’ont permis de rester dans la famille de l’athlétisme. Car à un moment, où vous êtes prêt à lâcher car c’est difficile de concilier études et sports, ils ont su me convaincre de continuer… »

Un rôle qu’elle se voit bien jouer elle aussi dans le futur grâce à ce projet qui  lui offre un horizon structuré dans le moyen et long terme, pour cette période qui pointe son nez dès l’automne 2016. Pour le moment, Christelle se refuse à envisager l’avenir au-delà des JO de Rio, complètement focalisée sur cet objectif majeur, et dans les mois à venir, elle se limitera à un simple rôle d’ambassadrice pour l’Entente Sarthe.

Mais oui, par la suite, la Championne d’Europe de marathon s’imagine très bien dans le rôle d’entraîneur, le chrono à la main sur le bord de la piste. Et elle rit en me soufflant : « Quand j’étais jeune, j’étais juge sauts et lancers. »

> Texte : Odile Baudrier

> Photos : Gilles Bertrand

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