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Bertrand Moulinet, un aveu inhabituel

La nouvelle de son contrôle positif et de la perquisition menée à son domicile avait à peine eu le temps de tomber que Bertrand Moulinet avouait ouvertement par un post Facebook s’être dopé. Un comportement très inhabituel chez les sportifs dopés.

 

moulinet aveu vertical

Le dopage de Bertrand Moulinet demeurera à coup sûr dans les annales. Peut-être pour des informations que le marcheur acceptera de révéler sur le début de sa dérive vers l’interdit, ou sur ses fournisseurs sur ces produits. L’avenir nous le dira.

Mais d’ores et déjà, la méthode adoptée pour révéler son contrôle se révèle très inédite. Un post Facebook installé quelques heures seulement après la fin de sa garde à vue, et dans lequel il joue cartes sur table, révélant à la fois son utilisation de FG 4592, un stimulant de l’EPO, et la perquisition menée par la gendarmerie à son domicile de Montlouis. Et ajoutant également son refus d’analyse de l’échantillon B.

Comme on pouvait le prévoir, ce communiqué a provoqué des réactions très contrastées, oscillant entre la colère et la compréhension. Les uns y ont vu un appel à la compassion qu’ils n’ont pas envie de donner, les autres y ont détecté une certaine forme de droiture de toute dernière minute…

Quel que soit le jugement de chacun, une chose est certaine : un tel aveu, aussi rapide et aussi direct, est inédit. L’histoire de l’anti-dopage regorge de scénarios tout à fait contraires. Les dénégations, les mensonges, les théories du complot demeurent finalement la règle. Certaines histoires saugrenues ont même fait le tour de la planète.

Les mensonges de Dennis Mitchell et Fatima Yvelain

Celle de Dennis Mitchell compte parmi ces scénarios farfelus. En 1998, le sprinter américain se voit contrôlé à la testostérone, et se défend en arguant qu’il aurait eu plusieurs rapports sexuels et bu plusieurs bières la nuit avant son contrôle, ce qui aurait provoqué l’augmentation du taux de l’hormone !

Au palmarès des gros mensonges qui font rire, Fatima Yvelain pourrait bien suivre, avec son histoire de pluies torrentielles ruisselant sur des déchets médicaux qui auraient pollué ses vêtements, ses organes génitaux et ses urines… C’était l’argumentaire extravagant présenté par la sociétaire du SCO Ste Marguerite après son contrôle à l’EPO au semi-marathon de Perpignan en mai 2012.

Les échantillons B non analysés

Mais au-delà de ces aspects fantasques, la bonne stratégie que recommandent certainement les avocats spécialistes de ces dossiers de dopage à leurs clients s’avère bien celle de la dénégation. Nier et toujours nier. Et essayer de trouver tous les arguties juridiques pour sortir sans sanction.

Dans cette optique, quelques cas ont fait école, mêlant contestation des faits, et problématiques autour de l’échantillon B, qui n’aurait pas fait l’objet d’analyses dans des conditions correctes. Comme pour Khalid Zoubaa, obtenant d’abord une annulation de sa sanction suite à son contrôle positif à l’EPO de janvier 2007 par la Cour d’appel de Marseille, puis une annulation de cette décision par le Conseil d’Etat. Avec pour base principale à sa demande d’annulation, le fait que son échantillon B n’aurait pu être analysé. L’argument n’est guère différent pour Hassan Hirt, refusant toute prise de dopant, et s’estimant également privé de la possibilité d’analyse des échantillons B, après ses deux contrôles à l’EPO d’août 2012.

Fouad Chouki, des aveux à retardement

Plus loin en arrière, Fouad Chouki, lui aussi, s’était situé dans cette stratégie de l’innocence bafouée. Fin août 2003, le Championnat du Monde de St Denis s’est à peine achevé que la nouvelle tombe du contrôle positif du Strasbourgeois à l’issue de sa finale du 1500 mètres, qu’il a fini 8ème, officiellement victime d’une blessure au mollet en fin de course.

Là encore, de l’EPO dans ses urines, et cette fois, l’échantillon B est bien analysé, et il confirme. Mais Fouad Chouki, conseillé par un avocat belge Jean Louis Dupont, conteste formellement avoir eu recours du dopage. Pour baser sa défense, l’athlète s’appuie sur la série de contrôles supportés avant ce Mondial, revenus tous négatifs, et insistant même : « Le recours à un tel produit dans les jours avant la finale aurait constitué une conduite irrationnelle et suicidaire. »

La sanction tombe, avec une suspension de deux ans. Sur la lancée, la vie de Fouad Chouki se délite. Il est accusé de viol en septembre 2004, avant que la plainte de la mineure soit retirée. Il se retrouve incarcéré en Allemagne fin 2008 pour des faits de vol avec arme, puis innocenté. Puis à nouveau condamné par la justice à deux reprises, la toute dernière affaire remontant à novembre 2014, où il se voit écroué pour trafic de stupéfiants.

Côté sportif, Fouad Chouki avait tenté de libérer sa conscience, en publiant fin 2009, une biographie « Ma course en enfer », et il était alors passé aux aveux sur son utilisation d’EPO durant l’année 2003. Ceci confirmait ainsi que c’était bien grâce à cet apport extérieur qu’il avait pu dans cette saison 2003 améliorer le record de France du 1500 m (3’30’’83’’), et se hisser dans les meilleurs mondiaux.

Bertrand Moulinet, sa vie en direct sur Facebook

Une honnêteté à retardement qui tranche ainsi avec la démarche adoptée par Bertrand Moulinet, choisissant de véhiculer ses regrets par le vecteur de Facebook, qu’il avait pris l’habitude d’utiliser au quotidien pour informer sur ses courses, ses entraînements, son état d’esprit. C’est ainsi que le mardi 21 avril à 15 heures il se présentait équipé d’un masque en pleine séance de cryothérapie, et qu’il annonçait son retour sur Font Romeu pour le soir même. Et c’est le lendemain matin, aux aurores, que les policiers de l’OCLAESP venaient le cueillir.

Une transparence totale sur ses faits et gestes qu’il semble avoir voulu poursuivre avec cette révélation sans détour sur ses tristes agissements…

 Texte : Odile Baudrier
 Photo : Gilles Bertrand