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Baptiste Mischler, il faut juste se poser les bonnes questions

Baptiste Mischler radieux après sa course de Montbéliard

Baptiste Mischler radieux après sa course de Montbéliard

Vice champion d’Europe l’an passé chez les juniors, Baptiste Mischler vient de crever l’écran en réalisant 3’39’’58 sur 1500 mètres, seconde performance française de tous les temps chez les juniors. Entraîné par Hubert Steinmetz, ce coureur méticuleux, étudiant sérieux à l’INSA de Strasbourg, explique son parcours sans faute.

 

« Vous savez moi, la suite de ma carrière, c’est ma santé. A 74 ans, à mon âge, on est à la merci des médecins. J’espère suivre Baptiste le plus longtemps possible ».

Hubert Steinmetz bricolait dans son jardin à déplacer des pots de fushias « je les mets en évidence dans ma cour ». On sent une pointe d’un petit quelque chose dans sa voix, de la résignation, de la tristesse ? Il ajoute « voilà, ça me fait mon entraînement ».

Endimanché, le grand Hubert était à une fête des fleurs lorsque le téléphone sonna. Il s’échappa du hall pour mieux entendre, pour s’écarter de ce brouhaha. C’était Baptiste, son protégé lui annonçant les 3’39’’58’’ qu’il venait de réaliser à Amiens. Un exploit, deuxième performance française de tous les temps, encadrée au beau milieu des 3’38’’01 de Samir Dahmani et des 3’40’’6 de Jacky Boxberger, en électron libre affranchi de l’altitude, lors de la finale olympique à Mexico en 1968. Ca doit donner la chair de poule ? C’est à Baptiste Mischler de répondre sur ce point : «Hubert, il va toujours cacher un peu sa joie, Mais avec le recul, il va me prendre dans ses bras ou bien me taper dans les mains. Il a eu beaucoup d’athlètes de haut niveau. Il sait contrôler l’euphorie ».

Et aux 200 mètres, son père de crier « tu es sous les 3’40’’

L’euphorie, c’était ce samedi soir, à Amiens. Comme aspiré, derrière lui, dans le creux de ses omoplates,  le souffle appuyé d’un concurrent, « je ne voulais pas me faire battre » et devant, à portée de griffes, une flopée de seniors à cogner, à matraquer, à mettre à terre. Et aux 200 mètres, son père de crier « tu es sous les 3’40’’ ». Baptiste se souvient : « C’est l’impression que l’on vole. Qu’on ne sent plus la souffrance. Comme aux Europe. Lorsque je remonte, tu savoures, il n’y a plus de pression ». L’euphorie, ce fut donc avec ses proches, père et mère, parfois frère et sœur, toujours présents, pas bien loin de leur fils chéri et du frangin béni qui cette année, met le 800 et le 1500 en équation parfaite « oui, entre nous, on cache moins nos émotions. Ils vivent cela en direct ». Son frère Timothée, second cette année au France de cross chez les cadets, lui avait prédit « tu verras, tu vas faire de gros chronos. Moi qui suis toujours sceptique ! ».

Hubert Steinmetz lui avait prédit 1’49’’ et 3’42’’ « une progression logique et rationnelle » pour réaliser un bon Mondial juniors. L’homme est fidèle à ses convictions, avec 50 ans d’athlé dans le tiroir caisse, on ne change pas de revolver de poche « c’est en championnat que l’athlète doit s’exprimer et Baptiste est toujours fidèle au rendez vous ».

Hubert et Baptiste, il y a une complicité forte. Ce petit côté école de la république, vieil instit à la blouse grise et élève studieux, respectueux et travailleur. « Lui, il est sérieux, rigoureux et moi aussi » Hubert dit cela en appuyant sur les consonnes. Il poursuit « il y a des choix à faire, lui les a faits, il est récompensé et il est au début d’une belle carrière. Conrath que j’ai entraîné était plus doué mais moins sérieux. Baptiste, lui, il est sérieux à tous points de vue. Il a une éthique. Il n’est pas du genre à manger des merguez et des frites un quart d’heure après sa course. Ni à se précipiter dans le premier Mc Do. Lui, il aura toujours son  plat de pâtes avec lui».

Baptiste a commencé à parler alsacien avant le français !

Hubert Steinmetz est toujours entraîneur à 35 heures, « au smic » ajoute-t-il. Sa théorie est simple : « Tout commence en junior 2 après le Bac ». La formule se vérifie avec Baptiste. Les choix s’affirment avec ou sans les études. Les pointillés se rapprochent,  les lignes de vie se dessinent, plus précises, plus directives.  Depuis trois mois, l’étau des études s’est desserré, des cours allégés, du temps laissé pour se reposer, du temps accordé pour un stage au Portugal à Monte Gordo, une parenthèse pour passer les derniers partiels, algèbre, analyse, anglais et allemand (ndlr : Baptiste a commencé à parler alsacien avant le français !), le jeune apprenti miler a validé sans encombre sa première demi-année à l’INSA de Strasbourg. Il lui est même resté du temps pour sortir de son étui, la Breedlove. Il a rebranché l’ampli pour gratter du Michael Jackson en Finger Picking. La définition de cette technique de jeu : le guitariste assure le rythme, l’accompagnement et la mélodie. Tout en un, c’est du Baptiste tout craché.

1’47’’51 à Namur, 3’39’’58 à Amiens, la petite chronique du demi-fond français a tremblé sur ses lignes. Pour savoir, pour mieux interpréter cette poussée soudaine dans la mêlée, Baptiste a le sens de l’analyse calme et posée pour expliquer : « Non, on sait vers quoi nous allons. Nous n’avons pas rajouté de grosses semaines. Nous avions bien planifié les compétitions, faire du jus et se préserver. Hubert a une méthode, il compare avec les séances de l’année  précédente, au jour le jour et il adapte ». Pas de bi quotidien, pas de fractionné supplémentaire, le même dosage, juste un corps d’athlète qui mûrit et des ambitions plus affirmées.

Il ne tolère ni une minute d’avance, ni une minute de retard pour que débute l’entraînement

A 17h 20, heure précise, Hubert Steinmetz arrive sur la piste de Brumath. Une ponctualité digne d’une Baume et Mercier. Il prépare la piste, la balaye, la désherbe, une cendrée de 347,5 mètres qu’il entretient avec le soin d’un jardinier méticuleux. Il ne tolère ni une minute d’avance, ni une minute de retard pour que débute l’entraînement. Baptiste s’en moque : « Je connais la routine, c’est très formateur, même pour mes cours ».

Baptiste a choisi, il le répète à qui veut l’entendre, copains, amis, journalistes, frère et sœur peut-être  « il faut juste se poser les bonnes questions » et celle-ci en particulier « demandez vous toujours pourquoi vous venez au stade tous les jours » c’est du Steinmetz dans le texte. Baptiste répond à cela « Cette question, je ne me la pose plus ».

> Texte et photo Gilles Bertrand

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